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L’or y gît, nœud du monde…
Thierry Savatier   L'Origine du monde - Histoire d'un tableau de Gustave Courbet
Bartillat 2006 /  20 € - 131 ffr. / 231 pages
ISBN : 2-84100-377-9
FORMAT : 12,5cm x 20,0cm
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«Fernier, 530» : qui serait capable de deviner que, sous cette cote du catalogue raisonné de la production de Gustave Courbet, se cache l’un des tableaux les plus révolutionnaires de la peinture occidentale du XIXe siècle ? Ce n’est pas sa taille qui impressionne, non… Il mesure à peine 55 cm x 46 cm. Il se fait juste que, avant 1866, son sujet n’avait sans doute jamais été aussi explicitement exposé au regard public : un corps de femme au visage hors champ, jambes écartées, offrant en parfaite impudeur la vision d’un sexe couvert d’une abondante pilosité. Scandaleux, comme seule peut l’être la beauté à l’état pur. Thierry Savatier a voulu percer les multiples secrets de cette énigme esthétique que constitue L’Origine du monde, et surtout rétablir à son égard quelques vérités, car les rumeurs et les commentaires farfelus qu’il suscita sont innombrables.

Commandée par le diplomate turco-égyptien Khalil-Bey, nabab doublé d’un dandy particulièrement dispendieux de sa fortune, la toile sera selon toute vraisemblance assez trivialement intitulée Le Vase par Courbet. On ignore encore qui lui attribua sa dénomination ultime. De même qu’il paraît impossible de déterminer qui l’inspira. La solution de facilité mènerait à opter pour la splendide Joanna Hifferman, que Whistler aurait brièvement partagée avec l’ami Gustave. D’après Savatier, rien n’est moins sûr. Il rappelle notamment que l’incendiaire Irlandaise n’avait rien d’une fausse rousse, détail dont on se demande pourquoi le peintre, réaliste par excellence, aurait fait abstraction. Et puis, l’hypothèse du modèle anonyme n’auréole-t-elle pas définitivement L’Origine d’une sublime universalité ?

À la mort de Khalil-Bey, sa collection fut dispersée, et les traces du tableau se perdent. Un savoureux racontar atteste de son acquisition par le Procureur Ernest Pinard, celui-là même qui instruisit, en 1857, les procès de Baudelaire et Flaubert pour atteinte à la morale ! Piquant, mais infondé. Toujours est-il que c’est ensuite par un aristocrate juif hongrois, le Baron Ferenc Hatvany, que le Con Suprême fut racheté, peu avant 1914. Il restera donc à Budapest jusqu’en 1944, année durant laquelle l’Allemagne hitlérienne envahit le pays. Et le récit de Savatier prend ici toute son importance, puisqu’il y relate enfin l’histoire réelle, sans souci des versions convenues et dénuées d’esprit critique qui nous parvinrent : il révèle en effet que l’œuvre ne fut pas spoliée par les Nazis mais volée par les Soviétiques, qui l’extirpèrent illégalement – et au pied de biche – avec maints autres biens, du coffre-fort dans lequel elle avait été déposée dès 1942, au moment de la promulgation des premières lois anti-juives.

Revenue après mille tribulations en France, L’Origine fut enfin dénichée (dans des circonstances qui, là aussi, sont loin d’être claires) par Lacan et son épouse Sylvia, ex-Madame Georges Bataille. La légende se cristallisa alors autour de ce chef-d’œuvre, plus oublié qu’inconnu, que le psychanalyste avait dissimulé derrière un paysage en trompe-l’œil de Masson et qu’il découvrait avec délectation devant ses hôtes privilégiés (Picasso, Leiris, Duras, etc.).

L’enquête de Savatier, minutieuse, se lit d’une traite, comme un bon polar. L’intelligence de l’essayiste est d’avouer les (rares) lacunes de ses informations ou le degré de fiabilité de certaines sources, et de préférer à l’assertion hasardeuse le fourmillement des supputations, à l’irrépressible envie de lever le voile la délicatesse de laisser planer des zones d’ombre. Du grand art.


Frédéric Saenen
( Mis en ligne le 11/09/2006 )
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