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| Gabriella Belli Collectif Italia Nova - Une aventure de l'art italien 1900-1950 RMN 2006 / 49 € - 320.95 ffr. / 280 pages ISBN : 2-7118-5076-5 FORMAT : 24,0cm x 28,0cm
Catalogue dune exposition au Grand Palais du 5 avril au 3 juillet 2006.
L'auteur du compte rendu : Béatrice Brengues a une formation d'historienne de l'art, elle s'intéresse aux arts décoratifs du XXe siècle et poursuit des recherches sur le sculpteur Joachim Costa. Elle travaille parallèlement à Drouot chez un commissaire priseur. Imprimer
Quand on vous parle de peinture italienne, vous pensez à Raphaël, Titien ou Caravage ? Alors, il est grand temps de revoir vos classiques. Eclairé par ce catalogue, vous direz maintenant Boccionni, Chirico, Morandi et Fontana
Cest indéniable, lart moderne italien a trop longtemps pâti de lombre faite par ses illustres prédécesseurs qui monopolisent dordinaire les expositions et lédition. Dans la reconquête de cette histoire récente, et pour faire suite à lexposition «Italies 1880-1910» présentée à Orsay en 2000, Gabriella Belli, conservateur au Museo di Arte Moderna e Contemporeana di Trento e Rovereto (MART) propose dexaminer les années 1900 à 1950.
Dans la version la plus optimiste (et naïve), on parlera dun regard généraliste, mais disons plus franchement que ce nest quun survol à cause dun manque crucial de recadrage historique et du choix duvres de second niveau (ou plutôt du non-choix car la plupart des pièces viennent du même musée, le MART) qui rend le commissariat dexposition peu crédible. Il ne sagit pas de la synthèse que lon était en droit dattendre pour un sujet rarement abordé en France. Lintroduction expose un seul point de vue et annonce un plan qui a au moins le mérite de la simplicité puisquil est chronologique, par groupes, mouvements ou tendances.
On commence alors par le divisionnisme, comme amorce au futurisme. Le divisionnisme, à la touche picturale atomisée, est à rapprocher du néo-impressionnisme ou du pointillisme dans lexploration des possibilités optiques de la lumière et de sa fragmentation. A la technique picturale sajoute la nouveauté des thèmes avec de fortes préoccupations sociales et urbaines. Forgés dans ce même moule théorique et expérimental, certains protagonistes du divisionnisme créent en 1909 le groupe futuriste. Cest assurément la partie la mieux traitée et la plus documentée de lexposition et, a fortiori, du catalogue.
Marinetti, Boccioni, Balla, Carrà, Severini, Russolo assènent leurs idéaux de vitesse, de vacarme, de lumière, de violence à grand coup de rhétorique choc à travers une série de manifestes. Cela se traduit dans sa forme plastique, par une ligne aiguë, des formes géométrisées, une palette stridente, la tentative de représenter le mouvement en le décomposant à limitation des expériences photographiques de Muybridge à travers des thèmes allégoriques comme la mécanique, lélectricité, la guerre
Le futurisme est la partie la plus marquante de lexposition par sa scénographie impressionnante et la qualité de lapport scientifique qui noublie pas des noms moins connus comme Soffici, Depero ou Prampolini, et qui montre même les fragiles compositions de lIdéalisme cosmique.
Le reste de louvrage est plus fade, à commencer par Giorgio di Chirico pour qui lon aurait aimé se fasciner et perdre son esprit dans ses toiles métaphysiques. Seule La Matinée angoissante dont lunivers mystérieux et méditatif fait la couverture, sort du lot. On samuse et on sétonne à constater lévolution de ceux qui furent révolutionnaires comme Severini ou Carrà revenant à une peinture plus policée, inspirée des maîtres primitifs nationaux. Puis lon sinquiète enfin car ce retour à lordre général et persistant ne parle plus que comme une voix unique et, sans aucunes références au contexte politique, on nest jamais bien sûr que, parmi ces tableaux aimables, on ne regarde pas un outil de propagande. On peut considérer que le Novecento est la tendance artistique soutenue par les fascistes, mais Sironi, Guidi, Funi, Campigli, de Pisis nétaient pas non plus des peintres officiels. Leurs uvres sont peu ou pas montrées et, bien que figuratives et composées, elles nont rien dacadémiques mais au contraire affirment une modernité sûre. Il plane une atmosphère étrange, avec des personnages figés et ternes comme dans un mutisme généralisé qui trouve son paroxysme dans le travail solitaire, silencieux et répétitif de Morandi. A la fin de la guerre, la coupure est nette, et son nom de Tabula rasa ne peut être plus évident. Une génération nouvelle dartistes prend la relève : labstraction simpose avec Fontana, Burri, Manzoni qui peuvent prétendre redonner une place à lart italien à léchelle internationale.
Dans ce panorama, sont réunis des artistes aux intentions et aux destins très divers. Il manque à cela une synthèse car le texte de présentation trop compact et peu clair reste difficile à lire. Toutefois les notices duvres en face de chaque reproduction font lintérêt du catalogue. Elles sont rédigées par une vingtaine dauteurs et sont complémentaires, mais elles napportent malgré tout quun éclairage ponctuel. Signalons également les notices biographiques efficaces, ainsi quune autre bonne idée : les intercalaires sur fond rouge qui font le passage dune période à lautre où saffichent un texte dépoque manifeste ou critique traduit de litalien. Une façon de rappeler que les critiques et les historiens ne font pas souvent bon ménage, alors que ces derniers sont ici cruellement absents
Béatrice Brengues ( Mis en ligne le 26/06/2006 ) Imprimer | | |
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