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L’intruse
Hélène Gaudy   Si rien ne bouge
Actes Sud - Babel 2014 /  6.7 € - 43.89 ffr. / 126 pages
ISBN : 978-2-330-03069-8
FORMAT : 11,0 cm × 17,0 cm

Première publication en septembre 2009 (Rouergue - La Brune)
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Lise, la mère. Samuel, le père. Nina, la fille, adolescente tranquille qui n’a pas vraiment commencé sa «crise». Les rôles sont bien répartis, la structure est simple, parfaitement huilée : une famille calme et paisible en somme qui, comme chaque année, va passer les vacances d’été dans sa résidence secondaire, perdue dans la pinède, au bord de la mer. Sauf que, cette année, Lise a décidé de prendre avec eux Sabine, une adolescente que sa mère n’a pas les moyens ni la possibilité d’emmener en vacances. Le trio devient quatuor, et le beau rythme ternaire familial va peu à peu dysfonctionner.

Sabine, plutôt butée et mutique, peu expansive en présence des adultes, influence peu à peu Nina et la fait entrer réellement dans les jeux et les rites adolescents : confidences, connivences excluant, à leur grand dam, le père et la mère, sorties nocturnes, virées en voiture avec Toni, garçon du village d’à côté. Lise, qui au début des vacances maîtrisait la situation, supporte de moins en moins la présence et l’influence de Sabine. Samuel, le père, souffre de l’exclusion que les deux adolescentes mettent en place à son encontre. Nina elle-même est partagée entre curiosité craintive et admiration vis-à-vis de cette grande sœur si à l’aise dans son âge et dans sa nonchalante liberté.

Hélène Gaudy, dont c’est ici le deuxième roman, choisit de brosser le tableau de l’adolescence, comme période de déprise du cocon familial et d’émancipation plus ou moins chaotique. Elle le réalise en mettant en place une situation narrative conflictuelle «classique», où Sabine joue le rôle de l’élément perturbateur qui déstabilise l’équilibre initial et vient perturber une mécanique réglée. À partir de là, Hélène Gaudy se place sur le terrain de l’analyse psychologique, le narrateur allant tour à tour «visiter» la conscience et les pensées de Lise, Samuel et Nina. Seule Sabine, en toute logique, reste exclue de ce point de vue omniscient : force mystérieuse, corps opaque, l’intruse ne peut être saisie qu’extérieurement par les trois membres de la famille et demeure un objet d’interrogations, une présence gênante et quasi diabolique (ne provoque-t-elle pas des «invers[ions]» ?).

Le traitement du texte est grave : l’adolescence, tour à tour – et consubstantiellement - vitale et mortifère, est une déflagration beaucoup trop importante pour en rire et en parler à la légère. Reconnaissons à Hélène Gaudy une grande rigueur dans ses choix narratifs et stylistiques, ainsi que dans l’économie dont elle fait preuve au niveau de l’intrigue : tout passe par des micro événements, des détails discrets. L’analyse psychologique est elle aussi d’une grande finesse et d’une grande justesse : la voix organisatrice du récit décrit ainsi les méandres et les fluctuations des rapports de force entre les personnages, et place le texte constamment au bord du malaise. Néanmoins, ce dernier a les défauts de ses qualités : le classicisme et la retenue de l’ensemble font sans doute de Si rien ne bouge un texte moins «immédiatement» enthousiasmant que, par exemple et pour prendre un titre récent aux problématiques proches, Corniche Kennedy de Maylis de Kerangal.

De même, la fin du texte, que l’on se gardera bien d’évoquer, prend une dimension fantastique – voire allégorique – qui relance avec bonheur le récit, mais qui apparaît finalement frustrante dans son dénouement : à force de faire le choix de la retenue et du non-dit, Hélène Gaudy pourra s’attirer, de la part de certains lecteurs, le reproche de ne pas assumer complètement ses options narratives. L’indécision propre au genre fantastique, utilisé ici semble-t-il dans le but de construire une lecture parabolique et métaphorique du personnage de Sabine et de son intrusion initiale, sonne donc étrangement à la fin d’un texte qui se plaçait, au départ, plus ou moins consciemment sur le terrain du réalisme psychologique. Cette variation littéraire et «adolescente» du Théorème de Pasolini manque peut-être de crudité.

Malgré ses aspects de conte initiatique ou «film d’horreur», Si rien ne bouge est néanmoins une œuvre qui décide de laisser à l’écart la cruauté qu’elle porte potentiellement. Le temps lui donnera peut-être raison.


Fabien Gris
( Mis en ligne le 21/03/2014 )
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