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Poches -> Littérature |
| Victor Cohen Hadria Les Trois saisons de la rage Albin Michel 2012 / 7.60 € - 49.78 ffr. / 480 pages ISBN : 978-2-253-16665-8 FORMAT : 11cm x 18cm
Première publication en août 2010 (Albin Michel) Imprimer
Lhistoire se passe en 1859. Le soldat Brutus Délicieux, illettré, ordonnance du médecin-major Charles Rochambeau, lui demande décrire régulièrement à sa famille et à sa promise, illettrées elles aussi, pour les tenir au courant de sa vie durant les cinq années quil va passer à larmée. Ces cinq années auraient dû être vécues par un autre, qui, plus fortuné, a pu envoyer Brutus à sa place, moyennant de forts subsides alloués à la famille. Les lettres sont adressées au médecin du canton, le docteur Jean-Baptiste Le Cur ; les deux praticiens font office de boîte aux lettres et décrivains publics. La vie de cette famille Délicieux est la trame du roman, tout se rattache à elle, y compris la chute, totalement inattendue.
Les premières lettres sont de simples comptes rendus joints à quelques phrases de politesse, puis, peu à peu, Rochambeau et Le Cur en viennent aux confidences. Ils commencent par des échanges professionnels, des considérations diverses sur larmée, le goût de puissance des hommes, les calculs politiques, ils en viennent ensuite à parler de leurs propres existences, de leurs choix de vie, de leurs qualités, de leurs défauts, de leurs hésitations
Une véritable amitié se développe, pleine dempathie, de conseils judicieux et de sincérité.
Parallèlement, Jean-Baptiste Le Cur nous livre son journal de médecin, riche dinformations sur la vie dans les campagnes au XIXe siècle. La dureté de lexistence, les croyances désuètes, la brutalité, lavidité, lignorance et les superstitions, tout est là, avec en filigrane une réflexion permanente sur le sexe, la façon dont léglise le perçoit, la façon dont il est vécu au quotidien, sa pratique avec ou sans tabous, son importance inavouée. Une thèse est en cours, à laquelle le médecin travaille quand il en a le temps, et qui vise à démontrer que «la rage qui tue plus que la vérole est le fruit de la contention sexuelle».
Ce médecin humaniste, entretenant des rapports curieux avec les curés et les sorciers, partisan de la vaccination et de la propreté, soignant gratuitement les indigents, portant sur ses contemporains un regard lucide, posant des questions sans solutions mais visionnaires, est merveilleusement mis en valeur par lécriture érudite de Victor Cohen Hadria, dans laquelle on retrouve toute lacuité de Maupassant, sa perspicacité, le mélange heureux dobservations réfléchies et dinstantanés frais. Et bien que le roman soit impitoyable, son âpreté ne gâche pas le plaisir dune lecture attrayante, intéressante, qui ne nous fait interrompre son cours quà regret.
Dany Venayre ( Mis en ligne le 08/06/2012 ) Imprimer | | |
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