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Poches -> Littérature |
| Thierry Dancourt Jardin d'hiver 10/18 - Domaine français 2013 / 6,60 € - 43.23 ffr. / 162 pages ISBN : 978-2-264-05729-7 FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm
Première publication en août 2010 (La Table Ronde) Imprimer
Une station balnéaire hors saison, voilà un cadre bien romanesque pour le second roman de Thierry Dancourt. Il donne avec Jardin dhiver une suite à Hôtel de Lausanne salué par la critique en 2008. Laction se déroule entre Paris et le Royan de la fin de lannée, au ralenti, dans le flou et sans raccord. A limage dune saison morte en Charente au bord de la mer, Thierry Dancourt a dû hiberner, car il ne se passe dans son Jardin dhiver pas grand chose dinoubliable.
Pascal Labarthe est le dernier client de lhôtel Océanic, avec Serge Castel, un commercial qui arpente la région Poitou-Charente. Pascal a aimé Helen. Helen est la fille dune Française suisse dorigine et dun aviateur anglais caché par les résistants dans la région de Royan pendant la Seconde Guerre mondiale. On ne lapprend quà la fin. Entre temps, beaucoup de silence et de dialogues sans intérêt, une poésie qui peine à gagner lespace qui lui est alloué, tout cela sur fond dintrigue multi-générationnelle mal démêlée, inaccessible au lecteur moyen sans don surnaturel avant les dix dernières pages.
Lintrigue, à vrai dire, existe peu. Au fur et à mesure que lon progresse dans le livre, on sent quil se passe quelque chose, mais on est bien incapable de saisir quoi. Des patronymes et des références historiques concernant la guerre sont jetée ici ou là, comme des grains de sable, rien nest réellement raconté et cest volontaire : à nous de nous débrouiller avec cette aquarelle détrempée, ce tableau qui, semble-t-il, aurait pu être mieux brossé.
Dans Jardin dhiver la description est reine, elle prend dès lors lascendant sur les évènements. Si le plan séquence décortique les situations, il décrit une estampe aux contours pourtant mal définis. Les personnages et laction noccupent que peu de place dans le paysage, ce qui est pour le moins malheureux. On prend (on le perd) son temps pour échanger des dialogues de sourds, pour déjeuner ou petit-déjeuner, pour se répéter les mêmes informations, pour regarder la Seine à la baie vitrée dun appartement parisien. Pour sembêter, également. Lattente ennuyeuse surplombe comme un ciel dhiver ce jardin sourd et silencieux. On espère un sursaut, mais une fois quon a compris que le commercial était un commercial, que lhôtel Océanic sappelait Océanic, que M. Smeyers mangeait des sandwichs au pâté et que le pain dépice est meilleur trempé dans du café, il ny a plus grand chose à espérer. Jusquà la fin, claire, concise, délivrante, qui tente de relever le reste. On cherche quelque éclat stylistique qui viendrait compenser un peu du manque de laction. Mais ici, ce sont les maladresses de la ponctuation qui viennent saboter les fins de phrases ou leur donner un aspect familier. Là, ce sont dirritantes répétitions de termes à deux lignes dintervalles qui confortent dans la lassitude. Effet de style, mais lequel et pourquoi ? Tout semble un peu gratuit et sans but.
Notre auteur nest pas un styliste, mais un arrangeur, un descripteur, un plasticien. Cest une toile, mais cest un film surtout. Un joli long-métrage lent. Il y a du Claude Sautet chez Thierry Dancourt, le goût pour la description du quotidien exemplaire, de petits évènements donnés à lire comme plus importants que les majeurs et la proscription de lintrigue au profit dun temps coulant qui fait leffet dun brumisateur dans le destin forcément impressionniste de ces personnages. Les chapitres où il est question de lappartement parisien ont le mérite dêtre les plus réussis, par leur douceur et leur sobriété. Lévocation de la jeune fille anglaise, des journées vides du personnage qui lattend, de son attachement poétique au souvenir de précieux instants en font les oasis du Jardin dhiver, le cur du roman : lamour perdu de Pascal pour Helen.
Thierry Dancourt use dune poésie tranquille, sintéresse de près à la fixation des instants rares, limmobilité dun bonheur ou dun réconfort à linstant T, tel celui quéprouve Labarthe sur le sofa de lappartement parisien avec Helen ou dans sa chambre de lhôtel Océanic aux côtés dAbigail. Le bien-être est court et horizontal, il décrit des saccades, interrompu par la vie banale, mouvante, parlante. On assiste dans lécriture, dans léconomie des chapitres, à un divorce entre longueur agitée sans importance et brièveté muette, calme et indispensable. La prose de lauteur excelle enfin en plans fixes, dissémination de personnages contemplatifs, à travers champs et contrechamps dun film muet dont les dialogues sont pourtant là et bien nombreux, comme des sous-titres inappropriés, et ne montrent pas ce quils montrent.
Faible assise que cette lenteur, puisquelle nuit à la direction explicite du roman. Quelle est lémotion, le ressentiment, lévénement quon nous cache ou quon feint de dévoiler ? Y a-t-il quelque chose à comprendre ? Épuiser le cadre ne compense pas les fragilités de la narration. Lekphrasis nest pas à la hauteur de toutes les plumes.
Sophie Labouheyre ( Mis en ligne le 10/04/2013 ) Imprimer
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