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Rafistolage magnifique
Robert Bober   On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux
Gallimard - Folio 2012 /  5,95 € - 38.97 ffr. / 272 pages
ISBN : 978-2-07-044559-2
FORMAT : 11cm x 18cm

Première publication en août 2010 (P.O.L.)
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. «Cher Robert Bober». C'est en ces termes familiers et affectueux que votre lecteur fidèle serait tenté d'accueillir votre quatrième livre. Beau titre - même si ce n'est pas le vôtre - et beau travail, par lesquels vous confiez avec une grande sincérité et beaucoup de tendresse un vrai faux roman tissé des bribes de votre histoire et de vos rencontres.

Vos précédentes réalisations, déjà, étaient construites autour de la présence-absence de personnes et de lieux disparus et recréés. On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux a la particularité d'introduire la fiction et de l'articuler au réel de telle sorte qu'entre le vrai et le créé, le passé et le présent, l'ici et l'ailleurs subsiste l'illusion. Au plaisir de lire et de penser s'ajoute celui de rire entre quelques larmes, car même lorsque le propos entrecroise des volets dramatiques de l'Histoire ou de simples anecdotes, le mot d'esprit rivalise avec l'humour de situation. La présentation sobre et claire de l'éditeur contribue à la limpidité du texte.

Cette fois, vous vous mettez en scène mais sous couvert d'un tiers, fictif ou transposé, comme à l'accoutumée en privilégiant l'échange. Si l'émotion partagée transparaît à chaque ligne comme dans votre voix, elle reste contenue, distanciée ici par l'usage paradoxalement modeste de la troisième personne : «... et comme il me semblait bien me souvenir qu'à l'époque il était tailleur, je m'étais demandé comment il avait fait pour travailler avec Truffaut», et - ajouterions-nous - pour produire une telle oeuvre cinématographique et littéraire.

Oui, vous avez été tailleur, coupeur exactement, primé de surcroît, et avez exercé de vos mains bien d'autres activités avant d'entrer dans le monde de la photographie et du cinéma. Aussi est-ce à peine une métaphore empruntée aux ateliers de la «Schmatte» du Marais ou du Sentier (Quoi de neuf sur la guerre et Laissées-pour-compte), si l'on dit que votre oeuvre écrite et filmée vous permet de couper, assembler, bâtir, «remonter» (En remontant la rue Vilin)... les «Schmattes» de la vie. En yiddish, ce terme désigne autant les chiffons, le rebut, que les pièces entières de tissus et les vêtements achevés. Pour Laure Adler - qui vous recevait dans «Hors champs», France Culture, le 1er septembre 2010, et au Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme le 28 septembre - votre nouvel ouvrage, rédigé en écho des précédents, évoque une «recomposition des pièces, des strates de la mémoire». Vous-même parlez de «puzzles» créés à partir de résurgences de «l'avant de soi et des autres».

Ce rafistolage magnifique de ''bribes et de lambeaux'', perfectionné d'un livre à l'autre, appelle une autre métaphore car aujourd'hui, à force d'être recoupées, rassemblées, recousues, toutes les pièces scintillent malgré vous comme un habit de lumière : elles ont en effet le poids et l'épaisseur des couches de tissus superposées dont chacune a sa pertinence et le relief de broderies. Le choix et la précision des assemblages relèvent de l'évidence. En effet, votre écriture ne résulte pas, dites-vous, d'un tri conscient programmé : elle s'impose au gré de la «mémoire affective, mémoire involontaire» plus que vous ne la convoquez, et vient donner sens après-coup aux vécus antérieurs. Une large place est accordée aux éprouvés, à la sensation visuelle et sonore pour faire revivre les lieux et les personnes aimés, le Paris des métiers et des quartiers et votre passion du cinéma. Il y a une telle intensité dans l'attention portée à la réalité perçue que par moment le lecteur la voit s'animer et entend l'accent yiddish même s'il lui est inconnu. Lorsque sont décrites les photographies de famille scrutées à la loupe, la personne ou la chose sort littéralement de son cadre et prend vie sous nos yeux à l'instar du héros de La Rose pourpre du Caire venant à la rencontre de Cecilia.

Comment faites-vous donc pour animer-ressusciter ainsi des images statiques à partir de mots écrits, pour relier des espaces et des évènements disjoints ? D'aucun parlerait de procédés de cinéma mais peut-être, parmi vos nombreux métiers, avez-vous aussi été magicien, «inventeur comme Georges Méliès de nombreuses illusions». Seul un magicien est capable de faire danser les mots, parler les vestes et orchestrer Le Chant des morts (un des recueils de Pierre Reverdy).

L'effet magique est d'autant plus troublant que l'invention s'appuie sur les fragments d'une réalité tangible à laquelle vous vous référez à partir de documents collectés avec la rigueur d'un chercheur et un savoir encyclopédique. Aucun nom, aucun fait, aucun lieu, aucune date, sont laissés au hasard. Tout est consigné, vérifié, annoté comme si fiction et réalité devaient cheminer séparément sans se confondre mais en jetant de part et d'autre les multiples passerelles de la poésie. «Parce qu'avec la poésie on peut tout dire. Il suffit de prendre rendez-vous», peut-on lire. À condition de saisir l'instant et la rencontre (l'"Occasion de l'instant") comme vous l'a enseigné Vladimir Yankélévitch, et de ne pas tricher avec la réalité.

Alors, qu'il s'agisse d'un roman ou d'un récit, d'histoires vraies ou fantasmées, peu importe. On peut surtout voir dans ce livre un bel hymne aux amis et aux lieux disparus, à la vie et à l'amour. Quoi de neuf sur l'amour ? Vous n'avez pas encore tout dit sur ce sujet. Alors, s'il vous plaît Robert Bober, confectionnez-nous vite une autre histoire.


Monika Boekholt
( Mis en ligne le 09/04/2012 )
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