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Poches -> Littérature |
| Marc Dugain L'Insomnie des étoiles Gallimard - Folio 2012 / 6.50 € - 42.58 ffr. / 241 pages ISBN : 978-2-07-044640-7 FORMAT : 11cm x 18cm
Première publication en août 2010 (Gallimard - Blanche) Imprimer
Un roman assez glacial qui commence dans un automne boueux et gris, avec une jeune fille, Maria, seule dans une ferme. On comprend assez vite quon est en Allemagne, durant l'automne 1945, dans le sud du pays, et que le père de Maria est parti sur le front, la laissant seule. Elle reçoit régulièrement ses lettres, quelle ne peut plus lire le jour où elle perd ses lunettes, écrasées dans la boue par les deux chevaux dont elle soccupe. Le monde lui apparaît dans la brume donc, et ce durant tout le roman. Cette brume obscurcit mais aussi feutre ses rapports avec lextérieur menaçant. Elle échappe tant bien que mal au pire, survit difficilement, mais lorsque les soldats français, commandés par le capitaine Louyre, astronome dans le civil et pour lheure officier de larmée victorieuse, arrivent dans la ferme à la fin de la guerre, ils la trouvent seule, avec les restes dun cadavre calciné. Elle se retrouve alors pour la première fois depuis des années face aux autres.
Seul, le capitaine Louyre lest aussi : entre ses subalternes et ses supérieurs, seul face au silence de toute la petite ville occupée ; il sinvestit dune mission : comprendre ce qui sest joué entre Maria et lhomme mort. Quel peut être après tout le poids dun cadavre à cette époque et dans ce pays ? Louyre croit-il à sa mission ou cherche-t-il à tuer le temps tandis que dautres troupes françaises font route vers Berlin ? Au cours de lenquête, les langues ne se dénoueront pas, ou si peu ; le capitaine Louyre reconstitue lhistoire, la peur des années davant-guerre dans cette région rurale dAllemagne, les lâchetés des uns et des autres, les honneurs qui sombrent, les fantômes oubliés ou tenus à lécart. De cette histoire, Maria ne sait rien officiellement. Qua-t-elle retenu de sa petite enfance ? De quoi se nourrit lénigme de sa passivité, une passivité qui nest pourtant pas lâcheté, au contraire, si lon en croit le début du roman. Une fin ouverte que lon peut à son gré lire comme optimiste ou pessimiste, un recommencement ou le malheur reçu en héritage et à transmettre.
Un roman inégal, qui décrit de façon volontairement neutre le quotidien et lhorreur de la guerre, de toutes les guerres, de ce quelles font des hommes, des hommes ordinaires, révélant leurs plus noires zones dombre ; sans pathos, simplement parce que cest ainsi
En filigrane, le nazisme au quotidien dans une petite ville allemande, et la question centrale : qui savait ? Que savait-on ?
Des personnages silhouettés - et cest une des faiblesses du roman qui fait quon a du mal à y croire -, des personnages typés - trop : le bon, le méchant, lincertain -, les circonstances : «Louyre sétait vendu la guerre comme une aventure rebutante dont il ne pouvait pas être absent. Son esprit sceptique avait très jeune sapé sa confiance dans sa propre espèce. Dès le lycée, incapable de sintégrer parmi ses camarades à la conscience étriquée, il sétait placé en spectateur amusé de lexistence». Face à lui, Maria la silencieuse.
Une sorte de Silence de la mer à lenvers
où lofficier occupant est français, et la jeune fille, allemande. Un roman froid, volontairement, au titre énigmatique, déconcertant, et qui finalement simpose au lecteur.
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 25/05/2012 ) Imprimer
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