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Poches -> Littérature |
| Gabriel Chevallier Mascarade Le Livre de Poche 2012 / 7.10 € - 46.51 ffr. / 353 pages ISBN : 978-2-253-16164-6 FORMAT : 11cm x 18cm
Première publication en octobre 2010 (Le Dilettante) Imprimer
Gabriel Chevallier (1895-1969) reste quelque peu méconnu du grand public malgré un grand succès littéraire, Clochemerle (1934), vendu à plusieurs millions dexemplaires et traduit en vingt-six langues. Le récit sarcastique et ironique de la vie dune bourgade provinciale en prise avec «une pissotière» avait saisi le lecteur. La Peur, roman écrit quatre ans plus tôt, et qui évoquait son expérience de soldat durant la Première Guerre mondiale, a lui aussi rencontré son public.
Le livre qui nous occupe reste plus anecdotique dans luvre littéraire abondante de lauteur (une vingtaine de livres). Mascarade (publié en 1948) est en fait composé de cinq nouvelles qui ont pour cadre commun la guerre. Des tranchées de la Grande guerre à la vie sous loccupation allemande des années 1940, en passant par laprès-guerre où les souvenirs de combats resurgissent, Mascarade est un recueil sur la guerre même lorsque celle-ci nagit quen toile de fond.
Difficile de placer Chevallier dans un mouvement littéraire ou une école de pensée. Son style et la tonalité de ses écrits rappellent à la fois Bove (pour son attachement aux «petites gens») mais aussi Queneau (pour sa cocasserie narrative et son comique), Céline (pour son style populaire), Guérin (pour son analyse sociologique de la vie en temps de guerre) ou encore Carco (qui serait peut-être lauteur le plus proche pour tout cela à la fois !). Lauteur de La Peur, à coup sûr, aime le récit ironique et caustique tout en abordant des thèmes pour le moins tragiques (intelligence avec lennemi, mort au combat, meurtres crapuleux, culpabilité honteuse, etc.). En cela Chevallier est un romancier tragi-comique de la seconde moitié du XXe siècle, dont il faudrait revoir luvre complète.
Ici, on est à la fois proche et loin de Clochemerle. Si l'on peut comparer ces cinq nouvelles au roman, cest sur le postulat de base. On part dune situation souvent banale ou anodine pour finir sur du tragique. On meurt souvent à la fin de ces nouvelles, et de mort brutale. Les raconter ne mènerait à rien sinon à placer un peu le contexte et les obsessions de lauteur. La première met en scène les excès guerriers dun officier qui finira par périr comme il a vécu. La seconde fait ressurgir un meurtre familial non seulement caché mais tout à fait assumé par son auteur pour des broutilles. La troisième, intitulée Le Perroquet, est la plus essentielle et la plus emblématique du recueil. Elle raconte lascension sociale dun meurtrier dont le crime atroce reste ancré en lui jusquà ce quil se trahisse seul ! La quatrième montre un cas subtil de collaboration durant la Seconde Guerre mondiale et enfin, la cinquième met en scène un vieil homme qui, en voulant ressortir un trésor enfoui il y a des années, fait un bilan pour le moins mitigé sur sa vie. Cinq nouvelles assez longues, qui parlent du peuple, tout simplement.
Cinq portraits aussi, dont lintérêt littéraire se fixe nettement sur le style à la fois populaire et imagé de son auteur qui ne lésine pas sur les expressions figées, les gros-mots et les allusions sexuelles grasses. Il écrit comme ces gens-là se parlaient, avec panache, humour et volonté de représenter une certaine classe sociale. Doù le jeu incessant avec le tragique, le vaudeville et le récit social. Reste la dimension universelle et, à chaque fois, Gabriel fait mouche. La médiocrité des uns mêlée avec le courage des autres. La bassesse de la condition humaine qui fait naitre quelques grands actes néanmoins. Sur un fond somme toute pessimiste et dune froideur clinique (bien évidemment édulcorée par le style oral de Chevallier, clairement exprimé dans Crapouillot, la première nouvelle), règne la banalité de la condition humaine avec son défilé dinjustices, de glorioles et de vraies tristesses. Chaque récit est marqué par une désillusion.
Reste à la lecture, un sentiment dinachevé, peut-être de facilité, comme si Chevallier sétait cantonné à cela, incapable du chef duvre ultime, malgré le succès de Clochermerle
Henri-Georges Maignan ( Mis en ligne le 28/11/2012 ) Imprimer
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