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Poches -> Littérature |
| Christine Angot Les Petits J'ai lu 2012 / 5,90 € - 38.65 ffr. / 185 pages ISBN : 978-2-290-04129-1 FORMAT : 11cm x 18cm
Première publication en janvier 2011 (Flammarion)
Lauteur du compte rendu : Docteur en Littérature française, professeur certifié en Lettres Modernes, Arnaud Genon enseigne à Casablanca. Visiting scholar de ReFrance (Nottingham Trent University), auteur de Hervé Guibert, vers une esthétique postmoderne (LHarmattan, 2007), il a cofondé les sites herveguibert.net et autofiction.org.
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Lorsquon lit Christine Angot, lorsquon en parle, ce quil convient dabord dévoquer, cest sa langue, son style, le rythme de sa phrase. Pour dire que lon aime ou que lon déteste. Quoi quil en soit, rares sont les écrivains que lon reconnaît immédiatement, à la lecture des premiers mots. Christine Angot est de ceux-là. Et même si son écriture nest plus, dans la première partie du livre, exactement celle des textes précédents moins durassienne, pourrait-on dire , elle reste toutefois identifiable, dans la musique quelle donne à entendre. Dans Les Petits, elle atteint ce que Roland Barthes nommait, dans Le Degré zéro de lécriture (1953), «lécriture blanche» : «un style de labsence qui est presque une absence idéale du style ; lécriture se réduit alors à une sorte de mode négatif dans lequel les caractères sociaux ou mythiques dun langage sabolissent au profit dun état neutre et inerte de la forme». Absence idéale de style donc, devenue style
Le style sert une fois encore une histoire damour, ou, là aussi, son absence, son étiolement, sa folie. Billy et Hélène se rencontrent dans un hôtel. Lui musicien, antillais, elle divorcée, une fille. Mais lamour se tarit et sinstaure rapidement, avec larrivée de leur premier enfant, un lien de subordination. Cest elle qui dirige, il devient un «soldat», leur couple «un régime politique». Trois autres enfants arrivent ensuite. Les relations se distendent, lamour séteint, devient lutte, haine, vengeance, notamment quand Hélène accuse, à deux reprises, Billy de lavoir agressée, accusations qui lui vaudront plusieurs jours de garde à vue et lempêcheront de voir ses enfants durant de longs mois. Billy subit, sinterroge : «Ne pas vivre ? Ou vivre sans ses enfants ?» Cest une sorte dengrenage dans lequel est pris le père, comme englué dans ce rapport, aux prises avec cette femme psychologiquement perverse, impuissant devant ce qui lui arrive, impuissant devant ce qui arrive aux personnes qui lui ressemblent, «aux gens qui ne peuvent rien»
Si le roman est dabord mené à la troisième personne, le «je» apparaît dans le dernier tiers de lhistoire. La narratrice, Christine Angot, auteur de LInceste, vit désormais avec Billy et laccompagne dans son combat pour revoir «les petits». Avec le «je», on retrouve les ressassements angotiens. Lécriture nest plus blanche, elle prend corps. «Le style est lhomme même», écrivait Buffon. Il est difficile pour lécrivain de se départir de ce «je», de ne pas être là, même si en fait «je», «il», cela ne change rien. Le «je» nest jamais quun prétexte. Lécriture est ailleurs. Dans ce quelle dit des rapports humains, des relations hommes-femmes, de la vengeance, jusquoù elle peut aller
Dans ce quelle dit des autres. Car les bons livres ont cette force. Ils parlent de nous. Et mieux encore, quand ils le font bien, comme ici, cest en nous quils parlent.
Arnaud Genon ( Mis en ligne le 20/07/2012 ) Imprimer
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