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Poches -> Littérature |
| Peter Heller La Constellation du chien Actes Sud - Babel 2015 / 9.7 € - 63.54 ffr. / 413 pages ISBN : 978-2-330-05111-2 FORMAT : 11,2 cm × 17,7 cm
Première publication française en mai 2013 (Acyes Sud)
Céline Leroy (Traducteur) Imprimer
LAmérique, neuf ans après la fin du monde : une pandémie a emporté les 9/10ème de lhumanité, il ne reste donc pas grand monde, et les survivants sont plutôt du genre agressif, chacun occupé à sa propre survie en guignant les ressources du voisin.
Dans un coin, près dun vieil aéroport, survivent Hig, son chien Jasper et son co-survivant Bangley
Un couple singulier : Hig est plutôt du genre pécheur et paysan, sociable et encore confiant en lhumanité, pilote amateur qui aime, périodiquement, taquiner les nuages. Un Rousseau qui serait presque heureux, si ce nétait un passé difficile au temps de la grande grippe, un passé qui resurgit par moments et nous éclaire sur cette fin du monde désormais datée. Mais heureusement, près de lui, il y a Bangley, le survivaliste type : fanatique des armes à feu, pas très confiant en la bonté naturelle de lhomme, et qui ne pense donc que de manière tactique, comme un soldat encerclé. Lun soccupe de la survie, lautre de la mort.
Un couple donc, mais un couple que la vie commune a un peu érodé : Hig aime senfuir en montagne pour une partie de chasse, ou faire des tours en avion pour inspecter le périmètre. Et finalement, il décide daller plus loin, de tenter sa chance, de découvrir dautres survivants qui auraient préservé une part dhumanité, et ne tireraient pas, à vue, sur le premier venu. Renouveler une vie sociale, renouer avec dautres, reprendre le fil de lhistoire humaine
cest beaucoup demander ?
Cest lenvers de La Route, le grand roman apocalyptique de Cormac MacCarthy : là où MacCarthy plongeait ses lecteurs dans un monde noir froid, dun désespoir absolu, Peter Heller les entraîne dans un monde certes dur, éprouvant, mais où il est encore possible de tendre la main, de jouir dune nature préservée, et de renouer avec soi-même. Écrit dune plume subtile, empathique même, ce roman magnifique vous prend aux tripes : immédiatement, le lecteur est plongé dans le quotidien de Hig, un quotidien en huis clos, qui se déroule sous forme de monologue, de pensées abstraites, de souvenirs remâchés et despoirs à peine caressés pour les préserver. Un quotidien qui tourne autour de Jasper, son vieux chien, son complice Bangley forcément exotique avec sa fascination pour les armes et la guerre, et son avion, «la bête».
Peu à peu, par petites touches, on sapproprie Hig, son passé, son présent, ses doutes, ses joies. Lun des charmes du roman réside déjà dans cette esquisse dun lendemain crédible de lhumanité. La communauté formée par Hig et Bangley se dévoile tranquillement, avec ses conflits légers faut-il aider les autres survivants ? Faut-il faire confiance ? Faut-il croire en lavenir ? et ses ententes tacites. Une belle histoire damitié, mais une amitié du genre pudique, où lessentiel est laissé sous silence, de peur de fausser une entente bien rodée. Et puis il y a la montagne, les vols en avion pour se rapproprier une liberté, la découverte de lAutre, la possibilité de renouer non sans tâtonnements des relations. Lhomme, animal social
certes, mais sans excès.
A travers ce survol dune Amérique qui survit, dans les montagnes ou dans les villes, le lecteur prend conscience que la vraie fin de la civilisation, cest moins la pandémie que labsence de relations, de confiance. Un vrai beau roman donc, par lequel lhumanité de chacun saffirme progressivement, timidement même, et où, tel Hig, on finit par retrouver foi en lHomme. Un premier roman et un grand roman, magnifiquement traduit, qui révèle un auteur subtil, sachant jouer des nuances, des mots, des gestes simples pour donner un sens à une existence qui semble ne plus en avoir.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 22/06/2015 ) Imprimer
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