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Moyen Orient extrême
Sorj Chalandon   Le Quatrième mur
Le Livre de Poche 2013 /  7,10 € - 46.51 ffr. / 336 pages
ISBN :  978-2-253-17982-5
FORMAT : 10,9 cm × 17,7 cm

Première publication en août 2013 (Grasset)
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Georges est un jeune militant d’extrême-gauche des années 1970, étudiant éternel, metteur en scène de patronage, dont les combats se résument aux bagarres à la sortie d’Assas contre le GUD ou au soutien de la cause palestinienne. Peu à peu, l’activiste se range, prend femme, devient père d’une petite Louise et imagine une vie occupée à prendre soin de ceux qu’il aime.

Jusqu’à ce que Samuel, vieil ami de lutte et de théâtre, exilé de Grèce par les Colonels, lui demande de tenir la promesse qu’il ne peut remplir, affaibli qu’il est par un cancer dévorant : monter l’Antigone d’Anouilh en plein Liban dévoré par la guerre (nous sommes en 1982). Malgré lui, Georges accepte et part à Beyrouth pour tenter de réunir des comédiens, ennemis dans la vie : Antigone est palestinienne et sunnite, Créon est chrétien maronite, Hémon est druze, Ismène est catholique, des chiites tiendront le rôle des gardes et de la vieille Eurydice. Samuel a même trouvé son théâtre, un cinéma abandonné, sur la ligne verte, en plein Beyrouth, pour jouer l’histoire d’une jeune fille qui s’oppose à la raison d’État.

On aurait pu craindre beaucoup de naïveté dans ce roman : une pièce de théâtre dans une ville dévastée par la guerre civile, comme symbole de paix entre les peuples, voilà qui risquait de verser nettement dans l’angélisme. Mais c’eût été sans compter sur l’expérience de Sorj Chalandon, grand reporter, romancier émérite connu notamment pour ses incursions dans le drame irlandais. L’auteur sait justement jouer de la candeur de Georges qui ne connaît de la guerre que les rixes du quartier latin et qui se retrouve plongé dans les enjeux complexes d’une guerre civile où chaque camp pleure ses morts et commet des atrocités.

Le quatrième mur dont il est question dans le titre est une paroi imaginaire que les comédiens montent entre eux et le public afin de se protéger du monde réel. A mesure que Georges rentre en contact avec la guerre, ce quatrième mur s’effondre pour lui et c’est de plain-pied qu’il s’immerge, malgré lui, dans l’horreur des combats, au moment de l’intervention israélienne et des massacres de Sabra et Chatila, sans pouvoir désormais revenir en arrière. L’écriture de Chalandon se fait elle-même plus crue et précise tandis que Georges quitte le jeu et prend de plein fouet la réalité de la guerre.

Chalandon parvient à restituer avec puissance la rencontre d’un jeune occidental avec la complexité du drame libanais. Ce roman prend bien sûr une résonance particulière alors que le pays des cèdres, bouleversé par le conflit syrien, tente de ne pas sombrer à nouveau dans les luttes fratricides qui l’ont déchiré jusqu’en 1990.


Amélie Bruneau
( Mis en ligne le 20/10/2014 )
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