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Poches -> Littérature |
| Milena Michiko Flasar La Cravate Seuil - Points 2014 / 6,30 € - 41.27 ffr. / 172 pages ISBN : 978-2-7578-4528-8 FORMAT : 10,9 cm × 17,7 cm
Première publication en août 2013 (L'Olivier)
Olivier Mannoni (Traducteur) Imprimer
Taguchi Hiro se terrait dans sa chambre depuis bientôt deux ans. Ohara Tetsu venait de perdre son emploi et le cachait à sa femme. Le jeune hikikomori rencontre lhomme qui a gardé ses allures de salaryman sur un banc dans un parc. «Je ne tentai pas de me faire des illusions. Hier comme aujourdhui, mon but était dêtre seul avec moi-même. Je ne voulais rencontrer personne. Rencontrer quelquun, cest simpliquer. On noue un fil invisible. Dhumain à humain. Une foule de fils. Dans tous les sens. Rencontrer quelquun, cest devenir une partie de son tissu, et cest cela quil fallait éviter». Pourtant, ces êtres qui se cachent vont peu à peu se confier lun à lautre. Non sans peine. Chacun deux surmonte les craintes qui lenvahissent quand il se livre, le dégoût que les confidences de lautre lui inspirent pour que progressivement leur «relation minimale» devienne «une amitié minimale».
Ohara Tetsu commence, son mariage avec Kyoko, celle qui «se lève à six heures pour préparer (s)on bento. Depuis trente-trois ans. Chaque matin à six heures. Et le plus beau de tout : cest bon !» ; Taguchi Hiro continue, son amitié avec son camarade et poète, Kumamoto : «Sous lune des bandes adhésives, je lus : Lenfer est froid. Le vers le plus parfait quil eût produit à ce jour, dit-il. Le feu de lenfer nest pas de ceux qui réchauffent». Lenfant né malade, lami fauché par une voiture, celle qui se suicide, victime peut-être de notre silence, la carrière brisée, les leçons de piano. La conversation se poursuit entre les deux hommes.
Milena Michiko Flasar décrit avec finesse la société japonaise, dun jeune hikikomori - du nom de cette pathologie qui conduit de jeunes Japonais à rester enfermés chez eux pendant plusieurs mois voire plusieurs années - à lemployé licencié par son entreprise dans un pays où lemploi à vie a longtemps été la norme. Lauteur procède avec nuances. Les parents de Taguchi Hiro lont obligé jeune à prendre des leçons de piano. Son professeur est dur et exigeant, presque comme ces stéréotypes quon véhicule sur lhomme Japonais. Mais, pendant que sa femme agonise et alors quil donne ses leçons au jeune homme, il rit, choquant son élève qui nentend pas la subtilité de ce rire : «Je ris parce que je sais quelle aime que je ris. Jy mets de la tristesse. Tu entends ? Il se remit à rire. Elle doit savoir que je suis triste quelle parte. Jy mets de la gratitude. Tu entends ? Il ne sarrachait plus à son rire. Jy mets tout ce que je ressens pour elle. Elle le sait. Elle lentend. Mon rire doit laccompagner. Il sétait effondré par terre en riant».
Roman dapprentissage, La Cravate est un récit dans lequel un homme à labandon redonne progressivement goût à la vie à un jeune homme qui sest retiré trop tôt du monde. Progressivement, Taguchi Hiro renonce à sa chambre, son mutisme, son enfermement. Celui dont «Je ne peux plus» était devenu la «devise», son «exergue», attend de retrouver lhomme quil avait simplement surnommé «cravate» à tel point que «le dimanche soir, il nétait plus que (s)on faible souhait davoir encore une fois lopportunité de lui dire (qu'il) aimerai(t) être son fils».
Grégory Prémon ( Mis en ligne le 12/11/2014 ) Imprimer | | |
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