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Inde, I go
Catherine Cusset   Indigo
Gallimard - Folio 2014 /  6.80 € - 44.54 ffr. / 327 pages
ISBN : 978-2-07-045674-1
FORMAT : 11,0 cm × 17,5 cm
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Trivandrum, Est de l’Inde, vestige d’un ancien comptoir colonial : un endroit improbable, pour organiser un festival de culture française. C’est la mission de Géraldine, qui, à la tête de l’antenne de l’Alliance française, est sur le pied de guerre pour accueillir ses hôtes, prestigieux.

Il y a Roland Weinberg, le philosophe célèbre et médiatique, vieux beau en fin de séduction, accompagné de sa jeune amie, la délicieuse Renata ; il y a également Charlotte Green, une prof de lettre franco-américaine devenue cinéaste, et enfin, Raphaël Eleuthère, romancier branché du désespoir contemporain, le cynique de l’étape. Chacun vient, en invité, promouvoir aux frais de la princesse un peu de cette culture française qu’ils incarnent. Mais dans une Inde qui résonne de la violence politique et campe fièrement dans une pauvreté persistante, le voyage aux antipodes se transforme en une odyssée intérieure.

Car loin des protections et dérivations de la vie courante, chacun se retrouve confronté à son démon intérieur : la vieillesse, le désir, la fin de la séduction, la solitude, le passé, la perte d’une amie, l’envie d’enfant. Entre deux cocktails et trois conférences, la petite équipe culturo-diplomatique s’organise, se heurte, s’évalue : chacun vit son drame secret ou sa catharsis en parallèle aux histoires des autres… et le tout finit par donner ce roman choral, dans une Inde à la fois fantasmée et terriblement réaliste, celle des pashminas et de la misère la plus sordide, une Inde métissée et désespérément autre, inaccessible, en dépit de tous les efforts de ces occidentaux satisfaits.

Avec Catherine Cusset (Confessions d’une radine, Le Problème avec Jane, etc.), chaque lecture est une invitation à l’introspection, celle de l’auteur incitant son lecteur à se poser ses propres questions qui fâchent : Charlotte Green, l’alter ego le plus apparent de l’auteur (qui se cache sans doute aussi derrière d’autres figures et autant de masques) est cette prof de lettre qui s’inquiète de son âge, de son tour de taille, de son mariage, de ses choix artistiques et professionnels avant d’être rattrapée par un drame plus ancien, la mort de son amie Deb et la question du sens que l’on donne à une vie. Raphaël Eleuthère est un autre versant de l’écrivain, celui qui, après avoir cherché à fuir un passé dans l’écriture, est, incidemment, rattrapé par ledit passé. Quant à Roland Weinberg, il figure ce vieil intellectuel aux charmes usés, rattrapé et bientôt dépassé par son personnage et le charisme du grand intellectuel médiatique.

Autant de figures qui déclinent, chacune dans sa sphère, un doute, un questionnement et que le voyage va, sinon solutionner, au moins révéler. Les intrigues se croisent, se heurtent dans des chapitres consacrés à chacun d’entre eux avec, par endroit, fusion, rencontre et découverte des autres. Dans une Inde à la fois touristique et réaliste, l’auteur s’amuse à confronter cartes postales et réalités, en se jouant des stéréotypes des uns et des autres. Cet Indigo éclaire, une fois de plus, le talent de Catherine Cusset qui, à l’ombre de quelques personnages, et d’une plume toujours sobre et inspirée, pose quelques-unes de ces questions dérangeantes que l’âge se charge de murmurer dans l’oreille des quadras.

Un roman dense aux allures d’autofiction, où chaque personnage composant le kaléidoscope de l’auteur, vient, tour à tour, à confesse auprès d’un lecteur devenu le témoin d’un drame intime. Les voyages forment la jeunesse, dit-on… Ils affinent également la maturité, semble-t-il. Un roman réussi donc, d’un auteur toujours un peu rare.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 18/04/2014 )
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