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Poches -> Littérature |
| Margaret Wrinkle Wash 10/18 - Domaine étranger 2016 / 8,40 € - 55.02 ffr. / 477 pages ISBN : 978-2-264-06558-2 FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm
Première publication française en septembre 2014 (Belfond)
Anne-Laure Tissut (Traducteur) Imprimer
Pour aussi fascinante quelle soit, lhistoire américaine recèle aussi des périodes sombres et honteuses, que ce soit envers les Indiens ou envers les esclaves : témoin, Wash, premier roman de Margaret Wrinkle, écrivain et scénariste née en Alabama.
Nous lisons avec effroi le récit de la vie de Wash - diminutif de Washington -, esclave noir du Tennessee, lors de lexpansion vers louest, une fiction difficile à réussir pour un écrivain blanc dont certains ancêtres sont des propriétaires de plantations. Nous sommes dans le sud profond des États-Unis au début du 19ème siècle, sur une terre violente et esclavagiste. Wash est construit dans une prose luxuriante, principalement par trois personnages : le propriétaire Richardson, un vétéran de la guerre anglo-américaine de 1812, Wash, le protagoniste principal, et Pallas, une esclave guérisseuse, amante de Wash.
Wash est grand, beau et fier mais pas bon à grand-chose aux yeux de son maître car il est de nature rebelle et sanguine. «Y a une chose que je sais, cest que quel que soit le chemin que tu choisis dans ton histoire, cest à toi de guider ton esprit dun côté ou de le laisser filer dun autre, chaque minute de chaque jour». Wash essaie de se ménager quelques espaces de liberté et de se construire une identité, fort des récits de sa mère, Ména, arrachée enceinte à lAfrique de lOuest, et des rituels chamaniques auxquels elle la initié. Elle est la seule avec Pallas à calmer et tempérer le caractère fougueux de l'homme.
Un récit coup de poing, filé de subtils retours en arrière qui nous permettent de plonger dans lhistoire de cette plantation, avec ces viols systématiques, quand le patron a lidée dutiliser Wash comme étalon reproducteur, limportation dAfrique de noirs étant interdite. Dans certains États, lidée de labolitionnisme fait son chemin. Une étrange relation se noue entre le maître et lesclave, Richardson tirant un certain confort des secrets quil confie à Wash quand, lesprit embrumé par lalcool, il passe la soirée avec lui dans lécurie. Mais Wash na que faire des lamentations du vieil homme et de sa fascination envers lui.
Servi par une écriture puissante et très visuelle, le récit de Wash, tragique et violent, simpose à l'esprit : nous voyons les champs de coton, les routes poussiéreuses, le navire qui a autrefois emmené Ména loin des siens. Certaines scènes sont difficiles, ce qui est suggéré laisse le lecteur profondément mal à laise dans cette histoire deugénisme esclavagiste.
Un roman dense, où l'on a du mal parfois à suivre tous les noms et connecter ensemble les situations, mais qui émeut et questionne la mémoire collective.
Eliane Mazerm ( Mis en ligne le 02/05/2016 ) Imprimer
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