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Construire une vie meilleure ?
Matthew Thomas   Nous ne sommes pas nous-mêmes
10/18 - Domaine étranger 2016 /  9.90 € - 64.85 ffr. / 864 pages
ISBN : 978-2264066725
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Première publication française en janvier 2015 (Belfond)

Sarah Tardy (Traducteur)

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Un épais roman d’un quadragénaire, Matthew Thomas, new-yorkais, né dans le Bronx (1975) et élevé dans le Queens. Nous ne sommes pas nous-mêmes est le premier roman de ce professeur dans un collège privé de New York. Un roman qui, par certains aspects, fait penser à la fois à Balzac et à Zola, aux grands romans sociaux du XIXe siècle, aux romanciers russes également, Dostoievski, Tolstoï. Matthew Thomas invoque aussi l’influence de Mrs Bridge d'Evan S Connell, paru en 1959, qui décrivait l’univers des classes moyennes américaines dans le Kansas.

L'auteur brasse soixante ans de vie américaine (1951-2011), ou plutôt new-yorkaise. Son héroïne, Eileen Tumulty, est new-yorkaise, du Queens, fille d’immigrés irlandais qui n’ont eu de cesse de s’intégrer à l’Amérique ; son père surtout, Big Mike, camionneur, homme fort du quartier, généreux, impulsif, mari à la fois aimant (mal) et volage. Sa mère, elle, «n’avait jamais vraiment quitté l’Irlande». Entre les deux, Eileen se construit et cherche comme eux à s’élever dans la société, soucieuse tout autant de la qualité de son intérieur que de son ambition professionnelle. Elle représente aussi toute une génération de femmes, née au début des années 1940, qui va vivre la métamorphose de la condition féminine.

Animée par la volonté résolue de progresser, elle rencontre Ed, lui aussi fils d’immigrés irlandais, mais qui eux, à la différence des parents d’Eileen, n’ont nullement cherché à évoluer. Intelligent, talentueux, scientifique, passionné par ses recherches, Ed entend se consacrer uniquement à ses étudiants et refuse avec énergie toute ambition autre que de vivre sa vie et d’être utile là où il est ; il refuse un poste rémunérateur dans un laboratoire, et plus tard le poste de doyen de son université… Eileen ne comprend pas cette obstination, pas davantage qu’Ed ne la comprend, elle. Ils resteront pourtant ensemble, liés par un véritable amour, mais aussi par la détermination d’Eileen de réussir sa vie et donc son mariage. Leur fils unique, Connell, se construit entre les deux, plus proche du modèle paternel.

Face aux échecs de ses rêves, Eileen se bat, animée par la colère et la peur, la peur de reproduire les échecs de ses parents, la peur de la violence, la peur de la dégradation sociale, et en ce sens elle ressent et exprime la peur de la classe moyenne américaine qui, dans les cinquante dernières années, a vu s’effondrer une partie de son «rêve américain». Elle se bat, réussit à changer de quartier lorsque le sien est trop envahi par les «latinos» et autres immigrés plus pauvres, mais son nouveau quartier lui aussi connaît des mutations…

Et lorsqu’Eileen peut enfin penser qu’elle est apaisée, Ed est atteint – jeune, il a 54 ans - par la maladie d’Alzheimer ; là encore, Eileen se bat contre la maladie, pour Ed, pour le conserver à la maison, pour le maintenir digne autant qu’elle peut. Ces pages sont d’ailleurs très fortes, on suit la découverte progressive de la maladie chez Eileen, la difficulté à l’accepter, son combat ; elles sont en partie autobiographiques car le père de Matthew Thomas, lui aussi, a été atteint jeune par la même maladie, qui vient ici contrecarrer toutes les convictions d’Eileen et réinstalle au cœur de sa vie ce qu’elle avait toujours tenté d’en écarter : l’imprévu et la peur qui va avec.

En refermant le roman, après une lecture captivante, on pense à la dernière phrase d’un autre grand roman américain récent, Le Chardonneret de Donna Tartt : «Profonde douleur, que je commence tout juste à comprendre : nous ne choisissons pas notre cœur. Nous ne pouvons pas nous forcer à vouloir ce qui est bon pour nous ou ce qui est bon pour les autres. Nous ne choisissons pas qui nous sommes». Eileen a voulu choisir qui elle était, elle a voulu échapper à son milieu d’origine, le même que celui d’Ed qui lui, au contraire, a simplement voulu vivre sa vie, s’occuper de ses étudiants. Quelle voie choisira leur fils Connell ? Deux personnages opposés et complémentaires qui, tout en vivant leur propre histoire, nous disent beaucoup des classes moyennes new-yorkaises, de leurs ambitions et de leurs déceptions.

Un beau roman avec pour figure centrale, une femme déterminée, avec ses forces et ses faiblesses.


Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 07/03/2016 )
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