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Poches -> Littérature |
| Don DeLillo Mao II Le Livre de Poche 2002 / 5.95 € - 38.97 ffr. / 316 pages ISBN : 2-253-15336-2 Imprimer
Cest une tâche ardue que de résumer Mao II, et plus encore de rendre compte des sensations ressenties tout au long de la lecture de ce roman touffu et foisonnant. Romancier « à idées », DeLillo met en scène parallèlement une jeune femme échappée de la secte Moon, un écrivain reclus condamné à mort par intolérance et un poète pris en otage à Beyrouth. Au coeur du livre se trouve lopposition entre lindividualisme induit par les sociétés modernes et labandon consenti à une tyrannie de la multitude comme réponse à la solitude. Mais on y découvre aussi une réflexion sur la géopolitique, le rôle des médias, le statut de la multiplication des images (le titre du livre désigne une oeuvre de Warhol démultipliant la figure du Grand Timonier), la célébrité, laliénation, le terrorisme ou la condition de lécrivain.
La lecture de Mao II provoque un sentiment persistant détrangeté. Les différents niveaux de réalité décrits semblent se disloquer sous le poids dimages induites, comme si un texte souterrain dépassait la narration, comme si le roman était en réalité un palimpseste. A travers lhistoire de Bill Cray, un écrivain célèbre mais reclus, dont lincapacité de terminer un roman sans cesse retravaillé provoque une crise intime, DeLillo déconstruit les contextes quil met en scène pour en faire jaillir des significations enfouies. Des ellipses dans lintrigue donnent lieu à de brusques ruptures dans le montage romanesque. Des dialogues à première vue anodins dérivent vers des interrogations métaphysiques. Ici, le langage ne sert pas à communiquer, mais simpose comme une manière dinterroger le chaos, un outil pour déchiffrer la complexité du monde, tenter de faire émerger du sens de la confusion générale.
La construction nébuleuse requiert une certaine attention, la singularité absolue de la narration et du style est parfois déroutante. On croit dabord percevoir une succession de « genres » répertoriés, correspondant à autant dintrigues au sein dun roman polymorphe. Mais tous ces genres sont finalement trahis, comme si lauteur voulait les subvertir pour en extraire des richesses quils ne contenaient pas à lorigine. Pour l'auteur de Mao II, lessentiel est caché par le sens commun, quil se charge brillamment de détourner.
Olivier Cleuet ( Mis en ligne le 23/10/2002 ) Imprimer | | |
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