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Ignatius Le Grand
John Kennedy Toole   La Conjuration des imbéciles
10/18 - Domaine étranger 2019 /  10,60 € - 69.43 ffr. / 534 pages
ISBN : 978-2-264-07563-5
FORMAT : 11,0 cm × 18,0 cm
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Tout commence par un couvre-chef protégeant un faciès des plus curieux, limité à deux grandes oreilles velues, des cheveux en bataille, une bouche dédaigneuse à demi cachée par une volumineuse moustache, des yeux bleus et jaunes... Voilà posé dès les premières lignes le monument central de ce long roman : un individu formidable dénommé Ignatius J. Reilly.

Cette apparition initiale, si singulière, suffit à déclencher toute une série d’événements rocambolesques tissant des rets implacables dans lesquels vont se trouver pris une foule de petites gens. Ces destins individuels, tragiques mais narrés de telle sorte qu’ils en deviennent drôles, sont retracés à travers une succession de tableaux obéissant chacun à une sorte d’unité d’action au sens classique de l’expression, le plus souvent clos sur eux-mêmes. La cohérence narrative de l’ensemble se résume à un nom : Ignatius, dont la propension à provoquer des catastrophes force le respect.

Formidable, Ignatius l’est d’abord, on l’a compris, par son apparence : très grand, obèse, il porte des vêtements bizarrement assortis, et ne quitte jamais sa casquette de chasse verte. Par son emploi systématique, ensuite, d’un langage châtié à l’extrême, pédant et précieux à la fois. Par son caractère enfin : hypocondriaque, rechignant au moindre effort, toujours prompt à rejeter sur autrui la responsabilité de ses propres échecs, il vit enfermé dans sa chambre. Mais voilà, Ignatius est un génie incompris, certitude qui suffit donc à excuser toutes les paresses, toutes les défaites et tous les emportements. Il écrit, il jette dans des cahiers d’enfant les prémisses d’une oeuvre immense mais dont le sujet change à tout bout de champ et qui semble hélas promise à demeurer à l’état de projet tout juste esquissé.

Seul, en butte à la médiocrité générale, Ignatius a néanmoins un pendant féminin - Myrna Minkoff -, une ancienne compagne d’université dont la vie semble circonscrite à l’animation d’un "groupe de thérapie de groupe" et à des engagements politiques plus ou moins vains. Présence purement épistolaire d’abord, Myrna s’incarne enfin, dans la scène finale, en une figure salvatrice, mais qui stigmatise par là même un ultime échec pour Ignatius : c’est grâce à elle, la "péronnelle" objet de bien des colères, qu’il échappe in extremis à l’internement en clinique psychiatrique.

Au fond, malgré sa corpulence et le sentiment aigu de supériorité qui l’anime, Ignatius est un être faible, fragile, qui ne cesse d’échouer : il ne parvient ni à donner à ses écrits une forme aboutie, ni à conduire les mouvements sociaux ou politiques qu’il avait imaginés. Mais en dépit de ses échecs répétés, il demeure un personnage éminemment épique. Géant hypocondriaque qui fuit, se défile, c’est néanmoins lui qui amène, directement ou indirectement, tous les autres protagonistes à boire jusqu’à la lie la coupe - douce ou amère - de leur destin. Par-delà ces tranches de vie, les caricatures désopilantes et le comique induit par le réalisme cru du langage populaire ou les situations proches de la farce, il faut ajouter une critique sociale omniprésente, perçant dans les discours tenus ici et là comme dans les engagements perdus d’Ignatius et de Myrna.

Et de fait, plus qu’une vaste épopée héroï-comique, La Conjuration des Imbéciles peut se lire comme une fable philosophique où, en fin de compte, les utopistes l’emportent. Optimisme flagrant, hélas démenti par le sort de John Kennedy Toole qui se suicida à 31 ans convaincu d’être un écrivain raté parce qu’aucun éditeur n’avait voulu le publier…


Isabelle Roche
( Mis en ligne le 22/11/2019 )
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