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Comme un poisson dans le ciel
Alice Sebold   La Nostalgie de l'ange
J'ai lu 2005 /  6 € - 39.3 ffr. / 347 pages
ISBN : 2-290-34068-5
FORMAT : 11x18 cm

Titre original : The Lovely Bones - Traduit de l'anglais par Edith Soonckindt.

Première publication française en septembre 2003 (Nil).

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Imaginons un peu : votre fille de quatorze ans rentre un soir de l'école. C'est l'hiver, il neige, et bien que quelque chose au fond d'elle-même l'en dissuade, elle répond à l'invitation du voisin qui lui propose de visiter son refuge au fond du jardin. Ca ne rate pas, évidemment : le voisin la viole puis la découpe en morceaux. Un peu après, il enferme les restes dans un vieux coffre-fort, vite fait bien fait, et enterre le tout, histoire de ne plus y penser. Du travail de professionnel.

Le bon côté de la chose, c'est qu'il ne peut plus rien arriver à votre enfant chérie. L'avantage pour le voisin, c'est que justement, il est le voisin, et que personne ne peut vraiment le soupçonner. L'avantage pour votre fille, c'est qu'elle accède au paradis. Et franchement, c'est un endroit plus calme pour finir de grandir. Evoqué par Alice Sebold, on lui trouve même un air nettement plus vivable que le monde terrestre.

Dans le paradis de Susie Salmon – «Saumon, comme le poisson» – il n'y a plus de violence : rien qu'un monde protégé où les morts guettent les vivants et, pour certains, prient que les être chers meurent bientôt et les rejoignent afin d'être réunis à nouveau. «J'aimerais vous dire qu'ici, c'est beau, que je suis, et que vous serez, vous aussi, un jour, en sécurité.» Depuis son paradis, Susie regarde son père, lézardé, survivre à son souvenir. Lutter, plein d'amour et de désolation, contre l'inacceptable fatalité. Depuis son paradis, Susie – toute frémissante du souvenir de son premier et unique baiser – voit sa mère tout plaquer. Une autre façon d'oublier l'horreur de sa mort et le poids insoutenable de l'absence.

Susie aimerait bien guider les enquêteurs, son père, sa sœur Lindsey, sa copine Ruth, vers l'endroit où son corps en morceaux a été enterré par George Harvey, «cet homme bizarre» (son corps sauf le coude. Le coude, un chien l'a déterré au début et c'est comme ça qu'il n'y a plus eu trop de doutes que Susie n'avait pas juste fait une fugue…). Mais les choses ne sont pas simples chez les vivants. Et les évidences qui s'imposent, vu de là-haut, se brouillent dès qu'on revient au niveau du sol. Alors, depuis son paradis, Susie Salmon – «Saumon, comme le poisson» – remonte le courant des sentiments. Elle voit grandir ses proches. S'invite, fantôme discret, à leurs côtés. Leur tient la main. Elle tisse une toile fragile avec les vivants et cet échange muet mais constant rend moins lourde sa propre perte subie – une famille, un amour, des amis. Une vie tout entière à vivre, coupée net. Son regard apaisé exorcise la douleur, atténue l'horreur.

Dans le paradis de la rentrée littéraire 2003 (aujourd'hui en poche), il y avait Alice Sebold – violée à dix-huit ans nous apprend l'éditeur, mais, et c'est heureux, pas découpée en morceaux (le voisin n'avait probablement aucune expérience en boucherie) –, dont la prose limpide agit dès la première page comme un baume délicat. Avec cette façon simple de dire les choses, les plus sordides comme les plus belles, à travers ce regard détaché mais profond, elle nous dit de ne pas avoir peur, nous exhorte à l'espoir. Elle nous rappelle que l'amour, finalement, est à peu près la seule chose qui vaille. Chez d'autres, ou dit autrement, ça ferait sourire. Chez elle, ça devient profond. «Je vous souhaite à tous une longue vie de bonheur», conclut-elle. Ben, nous aussi, Alice. Et vous, filles de quatorze ans ou de n'importe quel âge, ne faites pas confiance au premier voisin qui passe. Il n'est pas donné à tout le monde de tirer un beau livre d'une expérience traumatisante.


François Gandon
( Mis en ligne le 16/07/2005 )
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