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Poches -> Littérature |
| Philip Roth J'ai épousé un communiste Gallimard - Folio 2003 / 7.30 € - 47.82 ffr. / 444 pages ISBN : 2-07-030478-7 FORMAT : 11x18 cm
I married a communist (1998), traduit de l'américain par Josée Kamoun.
Roman publié en France une première fois en 2001 (Gallimard). Imprimer
On retrouve dans Jai épousé un communiste les grands thèmes de la littérature rothienne. Dans ses romans en effet, Philip Roth, incontournable auteur américain, déroule, semble-t-il, trois fils récurrents : celui dune crise identitaire fondatrice, mise en scène dans des fictions à haute teneur autobiographique ; celui dune histoire décidément tragique entretenant avec la vie privée un rapport de pollution réciproque ; celui enfin dune vision patriarcale de la condition humaine, dans laquelle se conjugue à lincompréhension des femmes le fantasme sous-jacent de la fraternité virile.
Celui qui, dans Pornoy et son complexe, écrivait «Rends-moi un service, mon peuple, et ton douloureux héritage, fous-le-toi dans ton cul douloureux - Il se trouve que je suis également humain !», qui expliquait, alors, quil narrivait pas à bander en terre dIsraël, rappelle ici : «Jétais un petit Juif, pas de doute là-dessus, mais je ne tenais pas à partager le caractère juif. Je ne savais dailleurs pas au juste ce que cétait, et je navais aucune envie de le savoir. Moi, je voulais partager le caractère national.» (p.63)
Il expose dans le présent ouvrage le parcours chaotique dun communiste radical dont le drame est davoir voulu épouser une actrice soi-disant WASP (en fait, une juive honteuse
). «Ce communiste-là, il voulait ce qui est au cur même de la vie bourgeoise» (p.234), explique Murray Ringold, à son ancien étudiant, Nathan Zuckerman (double romanesque de Roth et narrateur), en évoquant son frère, Ira.
La femme/Pandore, ici, sappelle Eve (une Pandore plus biblique, en somme !) : cest une actrice notoire de radio, bridée par lamour possessif dune fille monstrueuse, et cause de la chute de son époux rouge par un petit pamphlet sorti en pleine chasse aux sorcières maccarthyste : Jai épousé un communiste. A cette intrigue principale, narrée par lancien professeur du narrateur, Roth ajoute lévocation de ses années étudiantes, le souvenir de son éveil intellectuel, dun acoquinement tout juvénile avec le communisme alors honni. «Au début dune éducation, quand lesprit se transforme en arsenal de livres, pour peu quon soit jeune, impudent, quon saute de joie à découvrir tout intelligence stockée sur la planète, on a tendance à exagérer limportance de cette nouvelle réalité en effervescence, et à considérer tout le reste comme mineur.» (p.307)
Une fois de plus, les grandes ficelles utilisées par Roth sont cousues sur un roman riche, prenant et dune belle finesse. Car le refus répété de la judéité y traduit beaucoup moins une haine de soi que limpossibilité dexprimer sa différence dans un pays rongé à la fois par un nationalisme virulent et par un communautarisme non moins dévastateur. Ici comme ailleurs, lauteur semble dénoncer cet état de fait et pointer dun doigt plutôt accusateur «
la drogue la plus enivrante, celle qui fait tout oublier à tout le monde temporairement, le narcotique national, La Bannière étoilée.» (p.382) Tout en saluant le sortie au format poche de ce roman vieux de six ans, on attend dailleurs avec impatience le prochain, nouvel épisode de la vie dun Zuckerman vieillissant dans lAmérique des années Bush !
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 05/01/2004 ) Imprimer
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