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Poches -> Littérature |
| Anouar Benmalek L'Amour loup Le Livre de Poche 2004 / 6.50 € - 42.58 ffr. / 349 pages ISBN : 2-253-10827-8 FORMAT : 11 x 18 cm
Edition originale : Pauvert (2002) Imprimer
Six ans avant LEnfant du peuple ancien (Pauvert, 2000), Anouar Benmalek nous conte, sur fond de Liban des années 1980 dévasté par le conflit israélo-palestinien, la passion tragique de Chaïbane, futur ingénieur algérien, pour Nawal, une Palestinienne étudiante en médecine. Orgueilleuse et farouche, Nawal, qui a vu son père et son frère périr des mains de la milice libanaise, nen est pas moins prisonnière du destin dune famille décimée. Ainsi, après un voyage en Ouzbékistan quil fait en sa compagnie, Chaïbane perd bientôt la trace de la jeune femme. Tout à sa passion, il décide bientôt de partir à sa recherche.
Dans un style économe, le co-fondateur du Comité algérien contre la torture nous peint ici un monde où la violence et la solitude sont le nouvel alphabet de la vie. Le désespoir sétend, la folie guette. Rien détonnant, par conséquent, à ce que la convivialité, en dehors dimmenses plages de solitude, se résume à de douloureuses secousses de rire, de brèves percées dhumour scatologique quon regrette dailleurs presque aussitôt. La plongée dans lhorreur des camps syriens de réfugiés puis de la guerre civile du Liban dont est aussi une descente aux enfers du monde intérieur du héros. Livre sur la férocité du réel et la cruauté des sentiments, LAmour loup joue subtilement de loscillation entre la première et la troisième personne. Tantôt en effet la narration est assumée par Chaïbane, tantôt sa geste désespérée est vue à distance à travers le regard du narrateur omniscient. Une manière, peut-être, de faire entendre que, dans la question de la vérité, la subjectivité et lobjectivité sont à égalité.
"Heureusement, lêtre humain est lâche. Cela le rend capable de vivre, cest-à-dire, plus prosaïquement, de se fabriquer les moyens pour supporter longtemps la compagnie de ses défaites." A limage de cette sentence, et comme pour mieux se garder de tout pathos, Chaïbane est décrit sans complaisance, personnage proche des antihéros de cette humanité postmoderne qui a fait depuis longtemps le deuil de ses illusions. Anouar Benmalek na pas son pareil pour évoquer la monotonie de la guerre, la façon quelle a surtout de sinsinuer dans le quotidien des êtres, brouillant les limites entre lordre et le chaos, le monstrueux et lordinaire. Et le livre, apparaît, à la fin, comme ce quil est : un roman nu, poignant, sublime par moments, une déroutante alchimie dironie froide et de poésie.
Thomas Regnier ( Mis en ligne le 09/07/2004 ) Imprimer | | |
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