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Poches -> Littérature |
| Sophie Jabès Caroline assassine J'ai lu - Nouvelle génération 2006 / 3.50 € - 22.93 ffr. / 123 pages ISBN : 2-290-34723-X FORMAT : 11 x 18 cm
Première publication en août 2004 (JC Lattès). Imprimer
Lhéroïne du premier roman de Sophie Jabès, Alice la saucisse (Verticales, 2003), était une jeune femme dune vingtaine dannées, en quête du regard de son père et des hommes. Ici, cest Alice, une petite fille de 7 ans amoureuse des livres, qui se bat pour exister dans une famille de fous : mère hystérique, grand-mère insensible, père absent, petit frère déboussolé, grande sur accrochée à son babyliss, grand-père sourdingue rivé au Jeu des mille francs
le tout dans un deux-pièces sale et glauque.
La mère de Caroline lui interdit de lire, surtout dans les toilettes (seul endroit où la petite fille trouve un peu de calme) : « Il ny a pas de mais. Ma fille
Ma fille ne lira jamais dans les toilettes. Tu mentends ? Jamais. Je préfère mourir avant. Je préfère te voir crever la gueule ouverte. » Et la mère de déchirer les pages des Misérables avant de les faire disparaître dans la cuvette du lieu daisance. Caroline rêve alors que son père, quelle ne connaît pas, va venir la délivrer de cet enfer sur son cheval blanc, les bras remplis des ouvrages quelle aimerait tant savourer. Mais quand il arrive un soir à la maison, cest un alcoolique lubrique et incestueux quelle découvre alors. Non, décidément, elle na pas dautre choix
que de tuer sa mère pour faire cesser toute cette souffrance. Une idée qui va obséder la petite fille pendant ces 150 pages, à mesure que sa désillusion se confirme.
Caroline assassine est davantage une fable quun roman, tant certains traits sont forcés, certaines situations, certains raisonnements dans la tête de cette petite fille, invraisemblables. Mais le problème nest pas vraiment là. Sophie Jabès passe plus de temps à décrire la folie et lhorreur de la famille de Caroline quà analyser en quoi cette petite fille, différente, passionnée de lecture et déçue de ne pas être comprise, en vient à détester sa mère au point de vouloir la tuer. Et quest-ce que vouloir tuer sa mère, quand on est une enfant de 7 ans ? Que peut-on bien comprendre aux regards incestueux dun père sur sa grande sur bonne à marier ? Il y avait là des thèmes intéressants, dérangeants peut-être, à explorer. Lauteur se contente de les survoler, et le lecteur en est frustré. De même, la bibliothécaire, seul personnage fort au-delà du cercle familial dans le roman, manque de matière. Elle est comme une espèce de fée qui croise le jeune destin de Caroline, la comprend sans que celle-ci ait à parler, et lui offre un livre
vierge, avant de disparaître : il y avait là une bonne idée, à nen pas douter, mais lauteur encore une fois se contente de la survoler.
Comme cest le cas avec beaucoup de livres aujourdhui, on a finalement limpression dun manque dambition, «destomac», dirait Pierre Jourde (La Littérature sans estomac, LEsprit des Péninsules, 2002). Cest dommage pour tout le monde.
Anne Bleuzen ( Mis en ligne le 04/04/2006 ) Imprimer | | |
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