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Agrippine, Orient extrême
Shan Sa   Impératrice
Le Livre de Poche 2004 /  7.50 € - 49.13 ffr. / 450 pages
ISBN : 2-253-10956-8
FORMAT : 11 x 18 cm

Ouvrage paru en 2003 (Albin Michel)
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Impératrice commence par une naissance aux dimensions d’une cosmogonie et s’achève par une apothéose. En quatorze chapitres, Shan Sa, romancière reconnue… et disputée, égraine les années d’une existence incomparable, comme on égrainerait un chapelet bouddhiste… Le roman est le récit d’une vie, racontée de part en part par son héroïne : née d’un père roturier anobli, Talentueuse à la Cour de l’empereur, nonne dans un monastère, Lumière – tel est son nom - gravit, poussée par une volonté de fer qu’accompagne la force du destin, les échelons de la société chinoise. Elle s’accapare la Cité Interdite et devient l'égale d'un empereur, poste jamais atteint jusque-là, jamais atteint depuis.

Sous son règne à la longévité insolente, la Chine atteint son apogée : puissance militaire et économique, elle s’épanouit dans les lettres et les arts. Si les mânes y sont pour quelque chose, c’est sans compter l’opiniâtreté de l’impératrice dont l’habileté toute machiavélienne infirme l’enseignement confucéen : «Qu’une femme se mêle de politique est aussi scandaleux qu’une poule qui se mettrait à chanter à la place du coq» (p. 343). Ce n’est alors peut-être plus un hasard si l’époux de la dame, empereur veule et fantoche, se prénomme «Petit Faisan»…

«Moi, impératrice vouée à la vertu, moi, femme habitée par la raison d’Etat, moi, guerrière qui n’avait jamais défait son armure, moi, qui considérais les hommes comme poussière et qui dialoguais avec les étoiles…» (p. 298), ainsi se présente l’impériale narratrice. Le ton est donné. On verra moins dans le roman un propos féministe que le souci d’inspecter la magie du pouvoir : sa force et ses faiblesses, la volonté de puissance, la froide raison, des manœuvres proprement amorales et les perversions d’une hubris qui s’exprime aussi dans la libido et la violence. Inceste, amours féminines, domination, torture…

L’impératrice dépeinte admirablement par Shan Sa renvoie à l’archétype de l’amazone ou de la femme-roi. On pense aux grandes régentes sous nos latitudes, les reines médicéennes, à ces femmes d’Etat dont la poigne affadit quelque peu les silhouettes de leurs époux (Hillary, Margaret, etc.). On pense surtout aux impératrices elles-mêmes. Victoria, certes, mais surtout cette autre dont la soif de pouvoir, les intrigues familiales et les manigances politiques sont connues et ont été également romancées : l’impératrice chinoise ressemble étrangement à l’Agrippine romaine racontée par Pierre Grimal (Mémoires d’Agrippine, LGF, 1994)… Dans un cas comme dans l’autre, une femme réussit, par l’inceste, la virtu et la fortuna, à gravir les marches non féminines du pouvoir, jusqu’au trône, jusqu’à une gestion plus ou moins affichée des affaires d’Etat, dans un empire au faîte de sa puissance.

Shan Sa y ajoute tout le charme de la culture orientale. Le récit, écrit d’une plume qui mérite tous ses éloges, de facture très classique, est d’une beauté tout asiatique, comme suspendue, sereine. L’évocation très poétique du rythme des saisons, d’une nature nourricière, accompagne l’histoire humaine et lui donne le souffle d’une épopée. Shan Sa nous offre une fresque et ne ment pas sur la marchandise. Remarquablement informé (on regrette d’ailleurs de ne pas être plus au fait de la culture et de l’histoire chinoises), Impératrice arrache à l’oubli, où tombent les civilisations décidément mortelles, une existence unique.

Le roman se termine donc sur une apothéose, les funérailles d’une impératrice octogénaire devenue l’égale des Dieux. Et puis le temps passe et revêt ces seigneurs d’une aura mythologique, sinon du linceul de l’oubli. Et puis, il y a ce quinzième chapitre, en off, qui raconte l’histoire d’une romancière chinoise adoptée par la France qu’elle introduit aux beautés de sa civilisation, de son histoire, qu’elle envoûte si merveilleusement par ces récits épiques dont nous avons perdu l’art, que les éditeurs se l’arrachent…


Bruno Portesi
( Mis en ligne le 11/10/2004 )
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