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2006 : une Education sentimentale | | | Marc Lambron Les Menteurs Le Livre de Poche 2006 / 6 € - 39.3 ffr. / 316 pages ISBN : 2-253-11706-4 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
Première publication en août 2004 (Grasset). Imprimer
Normalien, énarque, romancier reconnu, chroniqueur, Marc Lambron est un auteur de talent qui, depuis une quinzaine dannées, construit une uvre personnelle dans des histoires entraînantes. Citons Limpromptu de Madrid (Flammarion, 1995) ou Carnet de bal (Grasset, 2003).
Aujourdhui, il nous convie à une peinture de la génération des années 70, la sienne, qui a dû frayer son chemin entre ses aînés, baby-boomers à qui mai 68 a donné un orgueil danciens combattants tenant lieu de personnalité et ouvert toutes les portes - quils se sont empressés de refermer -, et une crise économique obsédante.
Marc Lambron ne dit rien, ou si peu, des poids pesant sur cette génération, résumés en deux mots pourtant lourds dangoisse : chômage et sida. Passe fugitivement un ami américain qui meurt en Californie. Les trois héros appartiennent en fait aux milieux protégés. Le propos, ici, est autre : «nous nous pensions uniques alors que nous nétions que typiques», fait-il dire à lun de ses personnages...
La construction du roman sorganise donc à trois voix, autour de Pierre, Claire et Karine, qui se racontent alternativement. Un homme et deux femmes pour une génération qui sest proclamée féministe. Le livre recèle une vraie tendresse à la fois amusée, distante et admirative pour les femmes. Amitiés amoureuses liées sur les bancs de la khâgne lyonnaise (ce qui vaut de très belles pages sur Lyon, ville de lauteur), poursuivies brièvement à Paris avant que les chemins ne divergent : rupture pour Pierre et Claire, éloignement volontaire pour Karine. Ils se retrouvent quadragénaires au jardin du Luxembourg, où commence le roman, chacun donnant sa version, racontant son histoire, dans un dialogue qui ne se noue pas, mais qui cependant se répond.
Si les personnages sont inégalement convaincants et donnent limpression dêtre lauteur «détriplé», en revanche le texte est follement drôle. Marc Lambron excelle dans les portraits vachards, qui, mine de rien, exécutent en deux mots quelques icônes contemporaines : Robbe-Grillet ou Chirac, jeunes énarques incultes et journalistes de mode hystériques ; le lecteur est partagé entre le fou rire et la justesse du trait.
Chaque personnage nous émeut : Claire, larchétype de lintellectuelle ; Pierre, lopportuniste intelligent ; Karine qui surfe sur toutes les tendances sans se laisser totalement piéger par les miroirs aux alouettes. La lucidité qui les préserve leur vient de ces années de formation khâgneuse, qui leur permettent de distinguer immédiatement le vrai du clinquant, de se repérer dans un univers où les modes tiennent lieu de convictions.
A leur suite, nous revisitons les vingt dernières années, surtout parisiennes, des clubs échangistes aux séminaires universitaires, sur fond de musique d'époque. Au fil des pages, discrètement, Marc Lambron distille ses auteurs préférés : Berl, Morand, Malraux, Colette...
Là où Flaubert dressait un constat tragique, l'auteur est trop gourmand de la vie pour clore son éducation sentimentale par un regard désespéré : à ces quadras (et quelques...), la vie souvre, généreuse, riche doccasions neuves, illustrées avec grâce par la jeune compagne de Pierre, Alexia. Un regard de moraliste, amusé, élégant et léger
Une lecture distrayante.
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 11/04/2006 ) Imprimer
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