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Itinéraire d’un génie raté ?...
David Lodge   L'Auteur ! L'Auteur !
Rivages - Poche 2007 /  9 € - 58.95 ffr. / 521 pages
ISBN : 2-7436-1619-9
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

Première publication française en janvier 2005 (Rivages).
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Les écrivains parlent aux écrivains et deviennent sources littéraires, qu’il s’agisse d’égo-histoire (voir le récent Vila-Matas, Paris ne finit jamais, Christian Bourgois, 2004, ou le roman de Rosa Montero, La Folle du logis, Métailié, 2004) ou de fiction filée à partir de vies véritables, celles de génies de la plume : Virginia Woolf chez Cunningham (Les Heures, 10/18, 2004), J.-M. Barrie chez Rodrigo Fresan (Les Jardins de Kensington, Seuil, 2004), et, ici, Henry James, sous la plume de David Lodge, que l’on ne présente plus.

On peut poser la question de la légitimité de ces romans, alors que la biographie sert pleinement à mieux connaître un auteur et sa création, sources à l’appui. Ici, l’on sort de l’enquête historienne et méthodique pour rejoindre l’imaginaire et l’empathie, à partir de faits avérés, certes, mais déformés par la plume et l’égo d’un autre écrivain. Nous sommes bien dans le registre romanesque. Jeu de miroir ? Signes de l’émergence d’une sorte de théologie littéraire, par laquelle les épigones viendraient explorer les arcanes d’une Création et de ses principaux Evangiles ?... Simple volonté de donner corps et style à des essais biographiques souvent plus secs et arides ? Sans oublier le succès très contemporain de la biographie, appliquée aussi bien en littérature qu’en sciences sociales et dans l’audiovisuel.

Ici donc, David Lodge investit la vie d’Henry James, partant de ses tout derniers jours, en 1916, pour revenir, au fil du récit, à un moment clé de la création jamésienne : l’intermède dramatique – aux sens propre et figuré !- quand le fameux auteur cherche à conquérir le théâtre. Est-ce un hasard si son dernier roman s’intitule alors La Muse tragique ? James nourrit un rêve inavoué : connaître enfin une notoriété à la mesure de son talent, lui qui voulait «être le Balzac anglo-américain», et dont les romans n’avaient rencontré qu’un succès d’estime, fort éloigné de l’aura jamésienne aujourd’hui. Se lancer dans le théâtre, c’est donc titiller la part la plus faible en soi, narcissique et vaniteuse, la plus enfantine aussi : «Quand ses pensées en venaient là, il avait tendance à plonger dans une sorte de rêve éveillé, baigné dans la lumière dorée des feux de la rampe, où lui-même, en tenue de soirée impeccable, se trouvait tiré à son corps défendant hors des coulisses jusque sur la scène tandis que les spectateurs scandaient bruyamment : «L’auteur ! L’auteur !», et où il multipliait les saluts en rougissant.» L’expérience est hélas douloureuse, d’autant qu’à ses côtés, le grand ami, George du Maurier, peintre que la cécité a réorienté vers les lettres, connaît un réel succès avec son Trilby, tout comme «Fennimore» (Constance Fennimore Wilson)…

Lodge s’attaque par là même au nœud gordien des lettres, jamais résolu depuis l’entrée dans le temps des masses : écrire bien et être lu beaucoup, ce qui, souvent hélas, relève de la quadrature du cercle ! «Quelque chose était arrivé à la culture du monde anglo-saxon durant ces dernières décennies, un glissement sismique, énorme, provoqué par différentes causes convergentes – la généralisation et l’appauvrissement de la capacité de lire, l’effet niveleur de la démocratie, l’énergie conquérante du capitalisme, l’altération des valeurs par le journalisme et la réclame…» C’est parler d’hier comme d’aujourd’hui, ce en quoi Lodge excelle !

Ce hiatus existentiel vaut à James, Américain de naissance, Anglais et Européen d’adoption, une dépression grave, durant laquelle il détruit la plupart de sa correspondance, mais aussi l’énergie d’une renaissance d’où surgiront ses plus puissants romans. On apprend donc beaucoup sur James lui-même : ses prétentions et ses craintes, la contenance d’une tentation homosexuelle apparemment jamais étanchée, pouvant expliquer aussi combien cet homme fut attaché au respect de sa vie privée, et, surtout, le souci des mots : «…il partageait avec Flaubert la manie des phrases, des phrases à l’équilibre parfait, à la construction complexe, à la cadence subtile, et aussi densément remplies de sens qu’une noix l’est de sa chair".

Au final, on ne comprend cependant pas pourquoi Lodge ne s’en est pas remis aux biographes professionnels car le roman souffre et plie un peu sous le poids de la biographie. L’on s’y ennuie parfois (certains diront souvent, d’autres trop). C’est magnifiquement écrit, Lodge s’appliquant, semble-t-il, à mettre ses pas dans ceux de son illustre modèle, et le propos est noble. Mais, à quoi bon ?...


Bruno Portesi
( Mis en ligne le 08/01/2007 )
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