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Poches -> Littérature |
| Marie Billetdoux Un peu de désir sinon je meurs Le Livre de Poche 2008 / 6 € - 39.3 ffr. / 219 pages ISBN : 978-2-253-12410-8 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
Première publication en mars 2006 (Albin Michel). Imprimer
Auteur reconnu (dix titres dont Prends garde à la douceur des choses, prix Interallié 1976, Mes nuits sont plus belles que vos jours, prix Renaudot 1985), Raphaële Billetdoux est aussi critique littéraire au Figaro. Son second ouvrage chez Albin Michel (après De lAir, 2001), paru tout récemment en format poche, est une correspondance adressée à son éditeur, Richard Ducousset. Cependant le correspondant initial est vite oublié. Un monologue sinstalle au cours de ces 219 pages, monologue au cours duquel Raphaële replonge dans la douleur de la perte et de labsence. Perte dun être cher, irremplaçable, Paul Guilbert, journaliste politique, son compagnon, rencontré alors quelle navait que dix-neuf ans et lui trente-huit.
Sans «vivre ensemble», ils se sont accompagnés de 1970 à 2002, jusquà la disparition de Paul, mort dun cancer en juillet, dix neuf jours après leur mariage. Ce mariage quil a voulu, finalement, et quil a scellé non du «oui» habituel, mais dun «certes». De ce long compagnonnage reste un fils Augustin (né en 1986) et une masse de souvenirs. Sur cette trame, Raphaële tisse une lourde étoffe de plainte et de désespoir, mais aussi de tendresse, souvenirs entrecoupés, scandés de «traces» : reproduction de quelques phrases écrites par Paul, dessins enfantins de Raphaële, billets laissés au coin dune table au départ matinal de lappartement. Beaucoup de choses sont dites, futiles ou essentielles, beaucoup laissées à lintuition du lecteur, suggérées, une vie entière à deux est décrite par petites touches : «Cétait un luxe déjà, que de rouvrir lil près de cet enchanteur, dentendre le langage jaillir de ses lèvres, de lobserver en toutes saisons, de recueillir les traces de son existence». Le quotidien heureux, ou banal, finit par buter sur la maladie et devient tragédie.
Le monologue se heurte à labsence et au silence, silence du destinataire affiché -léditeur- mais surtout silence de Paul qui, tout au long de ces années, na jamais répondu aux lettres quelle lui adressait, et les a pourtant conservées, étiquetées, classées ; lui qui fut lhomme dune seule femme, sa mère. Géant roux, dont la silhouette prend de la consistance au fil des pages. Aimant la vie, les femmes, les idées («ce monde, en vérité, il le pensait plus quil ne le vivait»), et qu'elle a passionnément aimé, malgré les autres, malgré parfois son désir dailleurs («nous sommes malades lun de lautre»).
Écrit dun seul souffle, usant à satiété de longues énumérations, noubliant pas la patte acerbe du critique pour fustiger par exemple un texte qui lui paraît indigne du Goncourt («Cest sorti chez qui,ça ?», à propos du Soleil des Scorta), tel quil est, avec ses excès, Un peu de désir sinon je meurs nous touche, et nous accompagnons Raphaële au seuil de sa renaissance lorsque lenvie de vivre simpose, lemporte sur la mort et les ruptures, les bleus de lâme et la détresse du cur. Renaissance symbolisée par labandon du prénom ancien, comme un vêtement dont on se défait, pour revenir au «prénom premier, «Marie», donné par le père...».
Fallait-il terminer sur Rilke et ajouter en pièces jointes des chroniques de R. Billetdoux (Juliette Drouet et Victor Hugo : la naïve et le menteur, Kafka et Milena «Amour, angoisse et épouvante», Simenon un compte à régler avec les femmes et Le piège des nuits damour) ? Pas sûr. Quoi quil en soit, une lecture attachante, qui monte en intensité.
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 07/01/2009 ) Imprimer
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