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| Gérard de Cortanze Sollers. Vérités et légendes Gallimard - Folio 2007 / 7.20 € - 47.16 ffr. / 423 pages ISBN : 978-2-07-034622-6 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm Imprimer
A sa sortie en 2001, de Cortanze donnait pour titre à son essai : Sollers ou la volonté du bonheur, roman. Fait important à relever si lon veut commenter comme il se doit louvrage. Sollers, Vérités et légendes est un titre plus problématique et correspond un peu moins à lidée générale de louvrage. Pourquoi avoir changé le titre initial ? Mystère de lédition. Car comme dans beaucoup de biographies (mais en est-ce véritablement une ?), lécrivain étudié devient vite un personnage de roman, pris dans le tourbillon de sa propre existence décrite a posteriori. Cest le cas ici car de Cortanze, avant de sattacher à luvre de lauteur, tente de cerner le personnage moderne Sollers.
Depuis la parution de Femmes en 1983, le personnage public Sollers semble intéresser autant que luvre les critiques littéraires et ce livre sinscrit pleinement dans cette lignée. La faute aussi à lécrivain qui, depuis ce tournant littéraire de ce milieu des années 80, sest attaché à travers une série de romans autobiographiques, à se mettre en scène tout en croquant, en peignant, en critiquant, bref en parlant de son époque. Des romans comme Portrait du joueur (1985), La Fête à Venise (1991), Studio (1997), Passion fixe (2000), LEtoile des amants (2002) sont des variations autobiographiques contenues dans un roman, totalement assumées par son auteur. Dailleurs le livre de de Cortanze cite abondamment des extraits duvres pour fouiller de ce côté-là. Doubles littéraires, vies parallèles, inspirations biographiques, éloges et citations dartistes encensés par Sollers lui-même parsèment et alimentent ces romans. Le fait est là, et on laccepte comme tel. Mais on ne parle pas ici dautofiction, plutôt de roman autobiographique, au sens où Céline lentendait
De Cortanze est trouble. Il fausse le tableau dès le début, prévenant son lecteur quil sintéressera à la période 1936-1957, date à laquelle le premier roman, Une curieuse solitude paraît. On sattend alors à un livre sur lenfance et la jeunesse de lécrivain. Il nen sera rien durant les 400 pages du livre ! Car de Cortanze écrit ici une espèce dessai sur luvre et lhomme, ou plutôt une présentation globale de luvre et une interrogation permanente sur lhomme, et cela jusquau roman Passion fixe sorti en 2000. Lauteur sattache sur quelques éléments biographiques significatifs de son enfance, de sa jeunesse à Paris, puis de ses expériences sexuelles avec E.S.M, la Concha dUne curieuse solitude, qui prend une dimension littéraire et temporelle presque aussi importante quune Nadja pour Breton. Ensuite, il découpe son livre en autant de thèmes qui ont mené Sollers à écrire une uvre extrêmement variée et parmi les plus importantes de ces cinquante dernières années. Cest dabord la ville de Bordeaux que Sollers gardera toujours en lui puis son enfance marquée par une santé des plus fragiles, qui lont mené à lécriture. Ensuite, lâge adulte aidant, de Cortanze insiste sur linéluctable thème de lamour marqué par le goût du libertinage et dune certaine idée du couple, en allant toujours en porte-à-faux avec les idées préconçues ou en vogue de lépoque. Enfin, il tente de disséquer lunivers esthétique et stylistique du romancier avant de finir sur quelques généralités sur lécrivain et lami Sollers.
Entrecoupé dentretiens avec lauteur dans le petit jardinet des Editions Gallimard, de nombreux extraits des principaux textes de Sollers (Paradis, Femmes, Portrait du joueur, Studio, Passion fixe, Visions à New York, LAnnée du tigre, etc.), ou encore dinterventions de Dominique Rolin, lune des grandes amies de lécrivain, l'essai décrit lhistoire dun écrivain, de tout écrivain en fait, pris dans la création, répondant aux délices des parcs de Province, des maisons closes, des voyages (Venise, New York, Ile de Ré, le triptyque touristique), des jardins de Bordeaux, des rues parisiennes, de la solitude imposée par le métier ; bref de cette liberté chère aux auteurs du XVIIIe siècle et dont Sollers sest souvent réclamé. De Cortanze a pour mission de montrer quun écrivain comme Sollers, au-delà des polémiques du milieu étriqué de lédition française, a toujours lutté contre le conformisme et a écrit avec cette passion qui a régi ses actions. Un incroyable amour de la vie, malgré la mort, et qui trouve son apothéose dans le contact avec la matière ; écriture et chair. Sollers a toujours uvré dans le sens du bonheur, capté dans les grandeurs de lart et le quotidien des rencontres.
Lennui cest que ce portrait, écrit comme un roman, comme le prouve le titre initial, élude totalement des périodes essentielles de luvre sollersienne. On ne dit rien de Huguenin, de laventure Tel Quel, de lapproche structuraliste, de romans problématiques comme Nombres, H, ou Paradis, titres cités abondamment pourtant. Au lieu de sépancher sur une vision par trop «romantique» du personnage-écrivain avec lauréole poétique classique qui plane autour de sa tête, de Cortanze aurait pu sattacher davantage à laspect purement littéraire et aux enjeux cruciaux quil met en lumière. Luvre de Sollers est lune des plus fournies et elle mérite que lon sy attarde sans tomber dans la représentation ni lenthousiasme factice.
A lheure où ce dernier publie ses mémoires (Plon), la sortie en poche de Vérités et Légendes sert de présentation globale sans jamais donner de clefs de lecture. La légende de Sollers lemporte donc sur la vérité de lécrivain. Et cest un problème.
Jean-Laurent Glémin ( Mis en ligne le 12/11/2007 ) Imprimer
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