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Poches -> Littérature |
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Essais légers et impertinents | | | Simon Leys Le Bonheur des petits poissons - Lettres des Antipodes Le Livre de Poche 2009 / 5 € - 32.75 ffr. / 147 pages ISBN : 978-2-253-12604-1 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
Première publication en janvier 2008 (JC Lattès) Imprimer
Sinologue, fin connaisseur de la littérature et de la civilisation chinoise, classique comme contemporaine, analyste remarquable (et précoce !) du système chinois, Simon Leys, qui vit en Australie, a tenu une chronique régulière au Magazine littéraire.
Les éditions Lattès eurent lexcellente idée de publier les chroniques de lannée 2005-2006, accompagnées de quelques autres. L'ouvrage sort aujourd'hui en format poche. On pourrait imaginer que, textes de circonstance par excellence, les chroniques vieillissent mal. Erreur ! Pour lessentiel, Simon Leys nous fait partager son immense culture littéraire (que lon a loccasion dapprécier à la lecture de ses divers essais) ; à chaque fois, il pratique une mise en perspective intelligente de lanecdote. De surcroît, sa double culture lincite à proposer des comparaisons fructueuses, ainsi sa réflexion sur la peinture, Cosa mentale sous titrée Action supérieure de linaction, au cours de laquelle Simon Leys, reprenant Vasari, sinterroge sur la longue méditation créatrice de Léonard Vinci qui répondait au duc de Sforza lui reprochant ses temps dinaction : «les hommes de génie accomplissent parfois le plus quand ils agissent le moins, car ils doivent méditer leurs inventions et former dans leur esprit les idées parfaites quils exprimeront subséquemment en les reproduisant avec leurs mains». Simon Leys rapproche cette façon de faire des traités chinois sur lart de peindre : «lidée doit précéder le pinceau».
Jamais cependant chez lui la culture nest pesante, la citation appuyée ; dune certaine façon son écriture a la transparence des tableaux de Morandi que Simon Leys apprécie. Comme le peintre, il met en scène un quotidien dune façon tout à la fois légère et profonde, avec, pour notre plus grand plaisir, une touche dimpertinence ironique.
A chaque chronique, Simon Leys surprend, propose une autre façon de voir lévidence, incite à aller chercher au-delà de lidée reçue, stimule notre curiosité, nous force à réfléchir, à refuser de nous satisfaire des apparences confortables. Dans ces brèves chroniques, on retrouve lanalyste acéré qui sut, avant tous les observateurs occidentaux, voir que «le roi était nu» (Les Habits neufs du président Mao, 1971, Ombres chinoises, 1974) et dénoncer la révolution culturelle chinoise pour ce quelle était : lexpression dun pouvoir totalitaire et non ce que les intellectuels occidentaux en disaient.
Enfin le ton est léger, plein dhumour ; allez voir la chronique Informations saugrenues, sous titrée Du caleçon de Lu-Xun au mal de mer de Conrad
ou encore Mots. Le Flaubert de Bouvard et Pécuchet nest pas loin. On voit aussi passer les hommes, leurs qualités et leurs défauts, lintuition géniale des uns (Patrick OBrian, auteur apprécié de récits de mer, qui na jamais navigué, ou Conrad qui avait le mal de mer
), la lâcheté des autres (les sinologues en congrès qui nosent soutenir leur collègue âgé contre le jeune apparatchik), lémotion : la cantatrice qui se souvient toute sa vie quun jeune admirateur, dans son trouble, la appelée «Monsieur». Il réserve ses indignations aux philistins doués dun flair infaillible pur traquer et détruire la beauté.
Dans le premier texte, qui donne son titre au recueil, Simon Leys réfléchit au bonheur des petits poissons, et surtout aux moyens que lon a de lapprécier
Ici, le lecteur est heureux, et il sait pourquoi.
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 08/06/2009 ) Imprimer
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