|
Poches -> Littérature |
| Ian McEwan Sur la plage du Chésil Gallimard - Folio 2010 / 6.10 € - 39.96 ffr. / 177 pages ISBN : 978-2-07-040253-3 FORMAT : 11cm x 18cm
Première publication française en septembre 2008 (Gallimard - Du Monde Entier)
Traduction de France Camus-Pichon. Imprimer
Edward et Florence sont deux fiancés anglais tout juste mariés, qui, dans cet hôtel de bord de plage, la plage de Chesil, affrontent leur première fois. Edward a très envie ; il a même renoncé à ce plaisir solitaire pratiqué assidûment et quotidiennement depuis des années. Était-ce dailleurs une si bonne idée ?
Florence, elle, a peur : elle redoute linstant, la mise a nue, cette intimité quelle ressent comme forcée, intrusive, violente. Elle nen veut pas. Au temps du flirt, des premières caresses, déjà, elle se montrait rétive, timorée. Edward usa de patience, autant que possible : le mariage fut pour lui la réponse à son propre empressement. Mariée, Florence devrait se donner
Mariage donc, hôtel en bord de mer et approche du moment. Le roman, qui aurait pu être une nouvelle, va et vient dune âme à lautre, tresse les angoisses, mêle les malentendus. Les deux êtres se souviennent : la rencontre, le coup de foudre sur un campus oxonien, les familles et la peur. Pourquoi cette peur ?
«Quest-ce qui les arrêtait donc ? Leur personnalité et leur passé, leur ignorance et leur peur, leur timidité, leur pruderie, leur manque daisance, dexpérience ou de naturel, vestiges des interdit religieux, leur anglicité, leur classe sociale, et même le poids de lHistoire. Trois fois rien».
Edward et Florence, au fil des pages, tombent, leur couple si fraîchement formé se désagrège dans cette peur du passage à lacte, jusquà ce que lacte arrive et sévanouisse en un accident prévisible
Nous sommes dans les années 50 ; Florence et Edward incarnent un lieu, un temps, une génération : «Cétait encore lépoque [
] où le fait dêtre jeune représentait un handicap social, une preuve dinsignifiance, une maladie vaguement honteuse dont le mariage était le premier remède». Quant à Edward :«Le mot «teenager» venait à peine dêtre inventé, et jamais lidée ne leffleurait que son sentiment disolement, si douloureux et délicieux à la fois, puisse être partagé par dautres».
Ian McEwan, habile entomologiste, épingle avec justesse ce couple, deux papillons immortalisés dans léther des mots. Le plus terrible est que la maladresse de ces jeunes gens est touchante ; pire encore, bien que cette histoire soit glauque, une beauté sen dégage, voire un sentiment de nostalgie. Car si leur situation est inacceptable, celle de leur homologues les plus contemporains ne lest-elle pas tout autant ?
En montrant tout lengoncement sexuel dune jeunesse révolue, lauteur ne joue-t-il pas à pointer aussi son exact inverse, rappelant ainsi que si la sexualité ne doit pas être un tabou, elle reste quand même un temple. Un rappel bienvenu à lépoque du massacre de toutes nos idoles.
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 12/01/2010 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Expiation de Ian McEwan Samedi de Ian McEwan Délire d'amour de Ian McEwan | | |
|
|
|
|