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| Poches -> Littérature |
| Nathalie Kuperman Petit déjeuner avec Mick Jagger
Seuil - Points 2010 / 5 € - 32.75 ffr. / 103 pages
ISBN : 978-2-7578-1947-0
FORMAT : 11cm x 18cm
Première publication en août 2008 (L'Olivier).
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Depuis que Nathalie Kuperman publie des romans, elle se sent souvent obligée de rassurer ses interlocuteurs : non, bien sûr, elle n'est pas aussi cinglée que ses personnages ! Nathalie Kuperman semble effectivement globalement équilibrée, du moins pas plus névrosée que vous ou moi. Ses personnages, en revanche, en tiennent une bonne couche !
Dans son roman précédent, J'ai renvoyé Martha, Sandra, la narratrice, sombrait peu à peu dans la folie après avoir embauché une femme de ménage. Dans Petit déjeuner avec Mick Jagger, c'est Nathalie Kuperman elle-même qui enfile la blouse pour mettre de l'ordre, à sa manière, dans son passé, avec la star du rock anglais comme figure centrale d'un événement rêvé, fantasmé ou peut-être même vécu : Mick Jagger est venu prendre le petit déjeuner avec Nathalie Kuperman lorsqu'elle avait 13 ans, à plusieurs reprises même, et si vous ne la croyez pas alors c'est vous qui êtes fou.
L'écrivain entraîne une nouvelle fois le lecteur dans le territoire mouvant de la folie mais d'une façon plus dérangeante, encore, que dans ses livres précédents, car cette fois-ci c'est bien d'elle dont il s'agit : en neuf courts chapitres narrant autant de petits déjeuners pendant lesquels elle attendit, espéra et reçut son idole, elle s'arrête sur d'autres événements bien moins légers de sa vie, comme le départ de son papa, la maladie de sa maman, l'enterrement de cette dernière, et même l'agression sexuelle dont elle fut victime enfant. Tout cela sur fond de Rolling Stones, pour qui sait lire en écoutant la bande-son, puisque chacun des souvenirs qui jaillissent de façon fragmentée est lié à une chanson du groupe mythique.
Nathalie Kuperman semble provoquer le lecteur : jusqu'où ne va-t-il pas se sentir voyeur ? Car si dans J'ai renvoyé Martha on pouvait rire ou du moins sourire avec l'auteur des névroses du personnage principal, le lecteur a ici très vite le sentiment désagréable d'assister à une séance de psychanalyse de la narratrice. Et l'on est d'autant plus mal à l'aise à la lecture d'un récit dans lequel on distingue mal la réalité de la fiction, qu'on se sent finalement peu touché par le propos. À force d'empathie, on peut à la rigueur éprouver une certaine compassion devant cette femme qui nous crie manquer désespérément d'amour. «Rien n'est plus terrible que de ne pas être aimé. Je passe ma vie à expérimenter ce sentiment». Ainsi, elle évoque également ses nombreux maris ils semblent être une pléthore ! - qui mal aimés ou mal aimants, comme le fut également sa propre mère, l'ont à chaque fois laissée à sa détresse, à sa folie.
Alors, nous dit Nathalie, «je reprends ma vie d'avant, triste et dépouillée, vieillie de quelques années à chaque contrat, abîmée par l'abandon de ces maris qui revendiquent leur existence, de plus en plus abandonnée, jusqu'à devenir une femme qui écrit». Nathalie Kuperman n'est certainement pas folle, non, mais dans ses livres, c'est une femme malheureuse, et lon se surprend à souhaiter la voir, dans ses prochains romans, aller un peu mieux.
Natacha Milkoff
( Mis en ligne le 30/09/2010 )
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