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Poches -> Littérature |
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Le charme discret de la bourgeoisie | | | Thierry Dancourt Hôtel de Lausanne 10/18 2010 / 6,50 € - 42.58 ffr. / 174 pages ISBN : 978-2-7103-3067-7 FORMAT : 11cmx18cm
Première publication en août 2008 (La Table Ronde) Imprimer
Par un beau jour dhiver, Daniel Debaecker, venu contempler la tombe dun aviateur héroïque, a rencontré au cimetière de Passy une jeune femme habituée des lieux, Christine Stretter. Le voilà sur le seuil de ce «monde particulier, personnel, que son père appelait le système Christine. Un monde où lhiver était la haute saison pour les oiseaux, nos amis ; un monde où la partie du XVIe arrondissement sétendant en deçà de la rue du Ranelagh était située dans le sud ; où les immeubles de lavenue Paul-Doumer, un jour de pluie, pouvaient se détacher pour aller rejoindre la pleine mer ; où, dans ce café sans nom qui ne laissait rien filtrer du monde extérieur, à peine la lumière, laquelle dailleurs, en passant à travers le rideau de tulle, sadoucissait et semblait perdre de sa substance, les après-midi tournaient sur eux-mêmes, à vide, sécoulaient plus ou moins, pour tous ces gens, dans lattente, lexpectative, et, me dirait Christine, le tilleul-miel aidait à tenir le choc».
Daniel, narrateur de cette charmante histoire, sest progressivement attaché à cette étonnante jeune femme vivant entre un père enfermé dans ses collections et un fiancé captif des nuits et des rêves de cinéma. De la même manière, le lecteur sattache progressivement à ce roman à lintrigue pourtant ténue et à latmosphère douceâtre. Il retrouve ce couple abritant sa banalité étrange dans des hôtels surannés de villes provinciales ; quand Daniel et Christine ne se contentent pas de «voyager sans bouger» de leurs refuges de lOuest parisien, protégés du bruit et de la fureur dune époque dont ne filtrent que dimpalpables détails. Puis le récit se déplace vers Casablanca sans que lon comprenne bien comment, et le mystère jusqualors évanescent, flottant comme son parfum dans les pas de Christine, se fait plus pesant. Alors, les recherches de Daniel et sa narration prennent des aspects denquête policière.
Thierry Dancourt décrit dune plume élégante et précise des objets non dépourvus dâme, des lieux où se mêlent présences et absences, toute une géographie intime ; mais surtout des personnages. Ou plutôt un personnage, puisque, si le narrateur est Daniel, le protagoniste central est évidemment Christine, les autres figures nétant que des satellites aux orbites plus ou moins proches ou excentriques de cet astre. La fascination quelle exerce sur Daniel est tout aussi perceptible chez lauteur, qui la fait partager à ses lecteurs. Mais cest un astre sombre, qui se meut dans un univers froid, à lécart de tout mouvement extérieur qui viendrait perturber sa trajectoire tellement maîtrisée quelle en paraît intangible. Christine affiche une apparence parfaitement intemporelle, dun classicisme absolu, dont même son père, vieillard solitaire pourtant, remarque quelle apparaît déplacée dans ces années 1970, années qui, certes, se manifestent peu dans le récit. Elle intrigue tant que lon en vient à se demander quel est le malaise qui ne peut manquer de la tarauder. Au final, un même trouble sourd de ce roman : ses allures élégantes et réservées ne lempêchent pas de toucher.
Marc Lucas ( Mis en ligne le 17/09/2010 ) Imprimer | | |
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