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Wolf und Nat
Natascha Kampusch   3096 jours
Le Livre de Poche 2011 /  6.95 € - 45.52 ffr. / 318 pages
ISBN : 978-2-253-16010-6
FORMAT : 11cm x 18 cm

Première publication en octobre 2010 (JC Lattès)
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Natascha Kampusch, petite blondinette autrichienne de la banlieue de Vienne, est kidnappée le 2 mars 1998 alors qu’elle se trouvait sur le chemin de l’école. Elle a alors 10 ans et son ravisseur, Wolfgang Priklopil, électricien de formation, va sur ses 36. Comme bon nombre de fillettes autrichiennes que l’on retrouve violées puis assassinées à cette même époque, Natascha pense de suite qu’elle est destinée à un réseau pédophile et que sa vie va s’arrêter nette, stoppée par la monstruosité et l’ignominie des hommes. Mais Wolfgang, qui lui fait croire qu’il n’est qu’un maillon de ce réseau maléfique, voit plus loin. Il veut réaliser, à lui seul, un conte inédit et jamais écrit des frères Grimm. Et pour cela, il a tout prévu. Un kidnapping discret, une geôle située dans le sous-sol de sa maisonnette, et une éducation parfaite pour la petite… Ce rêve d’ado boutonneux qui prend forme à l’âge adulte rend Priklopil, l’homme discret et propre sur lui, à la coupe de cheveux impeccable (une raie remarquable, la mèche plaquée et luisante comme on le voit sur l’unique photographie diffusée par les médias), quasi invisible durant huit ans alors que c’est Natascha qui disparaît…

Ainsi commence un cauchemar qui aura duré plus de huit ans. Jusqu’à ce fameux 23 août 2006, où, profitant d’un appel téléphonique qui éloigna durant quelques instants le ravisseur de sa victime, et pendant que celle-ci passait l’aspirateur dans le même fourgon qui l’avait séparé des siens, Natascha prit ses jambes à son cou et s’enfuit à toute allure, prévenant la première voisine rencontrée (en fait, la seconde, les premières personnes croisées l’ayant laissé poursuivre sa course folle...). Cette seule et unique erreur de Priklopil fit tomber en cinq minutes un scénario de huit années pourtant presque parfait.

On connaît la suite, Natascha est montrée au monde entier sous sa couverture en véritable miraculée pendant que Wolfgang, filmé par les caméras de surveillance du métro, allait se jeter sous un train à Vienne, comme son plan de repli le prévoyait en cas de coup dur (ça ne lui disait apparemment rien de vivre en cage durant huit ans…). Très vite, Natascha est harcelée par les caméras du monde entier. On glose un peu sur sa relation avec son bourreau. Le fameux syndrome de Stockholm que Kampusch réfute et refuse d’entendre en expliquant qu’on ne peut que s’attacher à un homme qui vous laisse la vie sauve, et qui, malgré les humiliations et la peur, ne reste que son seul référent durant huit années. Les sévices sexuels dont elle ne dira rien ou presque, ni devant les caméras, ni dans son livre, le rachat de la maison de Priklopil, la photo de son cercueil rangée soigneusement dans son portefeuille, etc., montreront le lien indéfectible que les deux êtres garderont à jamais. Pas de Natascha sans Wolfgang et inversement.

Quatre ans après son évasion, Natascha prend la plume pour raconter de l’intérieur son incroyable et effroyable «aventure». Et à la lecture, on pense à une chose essentielle : aucun romancier n’aurait pu imaginer une telle histoire. Priklopil a beau être un satyre banal et cruel, il permet néanmoins à Natascha de tenir le coup en lui montrant des attentions presque touchantes. Mais très vite la violence reprend de plus belle, et, à la moindre contrariété (c’est ce qui choque véritablement dans le récit, la gratuité des sévices corporels), Priklopil s’en prend à la jeune fille. Coups de poings au visage, coups de pieds dans le ventre, humiliations physiques et morales (Natascha est traitée en boniche peu apprêtée et participe aux travaux de maçonnerie de la maison), diète contrainte, dépréciation permanente (Wolfgang use du même discours sur son physique qui se désagrège et sur le fait que tout le monde l’a oubliée) pour conditionner la prisonnière ; bref, rien n’échappe au maniaque même si la petite tient le coup.

Le lecteur rentre donc de plein fouet dans la cellule matérielle et l’emprisonnement psychique de l’enfant puis de l’adolescente. Au moindre faux pas, le ravisseur («l’homme», comme elle le surnomme souvent) menace de la supprimer ou de tuer quiconque elle pourrait prévenir (dès lors qu’il la laisse sortir, dans la maison au bout de 6 mois, dans le jardin un peu plus tard, avec lui dans la rue au bout de 6 ans, ils feront même une petite escapade au ski la dernière année !). C’est de cette manière et en usant de pressions terribles qu’il l’a tenue en otage durant toutes ces années.

C’est une confession assez digne (malgré bien évidemment le phénomène éditorial et quelques lectures publiques que l’auteur a données, comme s’il s’agissait d’une œuvre d’art…) que nous livre Natascha Kampusch, ou comment l’inhumain côtoie les zones d’ombre, de détresse, de courage, et de survie en pareille situation. Un livre sur l’enfermement, qui nous ramène forcément à nos pires cauchemars et à nos angoisses sur ces questions. Natascha ne se trompe pas lorsqu’elle affirme que la pire de ses craintes était qu’il arrive quelque chose à son ravisseur (sans contradiction aucune !) durant la captivité car personne n’aurait pu la trouver en train de dépérir dans une cage fermée en sous-sol par une porte blindée.

Évidemment, le système politique et judiciaire autrichien en prend pour son grade car la captive a appris quelques temps après sa sortie que Priklopil restait le suspect numéro 1 (d’après témoins et visite de la police chez lui) mais que pour des raisons d’incompétence et de malversations électorales, les dossiers et les enquêtes interrompus, l’état autrichien n’étant pas à huit années près !

Reste cette image assez saisissante de ce 7 septembre 2006 alors que Natascha accepte de donner sa première interview filmée à la télé autrichienne. Elle est habillée d’une combinaison et d’un bandeau violets. Le monde découvre une belle jeune fille de 18 ans, miraculée et courageuse, s’exprimant parfaitement, et que l’Histoire ira placarder dans les archives banales d’une énième séquestration qui, pour une fois, n’aura pas trop mal fini... enfin, pour elle.


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 25/07/2011 )
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