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Dieu est mort, vive Dieu ! | | | Frédéric Lenoir Les Métamorphoses de Dieu - La nouvelle spiritualité occidentale Hachette - Pluriel 2005 / 10 € - 65.5 ffr. / 402 pages ISBN : 2-01-279197-2 FORMAT : 11x18 cm
Première publication en septembre 2003 (Plon). Imprimer
Avec cet essai sociologique et philosophique remarquable par la diversité des formes de spiritualités quil met en scène, lauteur tente ici de dresser un nouveau panorama de la religiosité en Occident. Partant dune opinion commune qui veut que la modernité ait chassé Dieu de nos esprits rationnels, il cherche à démontrer le contraire : loin davoir fait disparaître Dieu, le mouvement dindividualisation et de globalisation qui déferle sur lEurope au XIXe siècle la simplement modifié, dans son être et la relation qui nous lie à lui. Cette dialectique subtile tend à prouver que nous entrons dans une nouvelle ère du Divin, contrairement aux analyses souvent avancées.
Sinscrivant dans le débat sur lapparition dune «post-modernité», F.Lenoir refuse en fait de choisir son camp. Quoique reconnaissant lévolution très nette à laquelle nous a conduit un XXe siècle peu rassurant, alors même quil était censé rejeter le religieux, il refuse cette expression si elle doit nous mener à perpétuer cette distinction stricte et arbitraire entre modernité et religion. Du sein de la modernité, elle-même issue du christianisme, rejaillissent les stolons de la foi. Cela ne signifie pas que celle-ci ne se soit pas profondément différente de la foi qui animait les croyants jusquil y a encore un demi-siècle.
Lindividu, en sémancipant de la tutelle communautaire et normative des institutions religieuses traditionnelles, a dans un premier temps rejeté les formes religieuses de foi, se soumettant de tout cur à lidéal dune société rationnelle, positiviste, et orientée vers le progrès. Mais cet idéal, empruntant lui-même de nombreuses apparences religieuses, a bien vite montré ses limites : les sociétés guidées par la seule raison ne peuvent être rationnelles, puisquelles oublient que tout ne peut sexpliquer, et les exemples dépisodes où elles ont viré au totalitarisme ne sont pas rares. Le Mal ne disparaîtrait donc pas par le simple fait de chasser «lobscurantisme religieux».
Cela a conduit à une situation marquée par le désarroi de lêtre humain qui, abandonnant ses modernes idoles, se retrouve totalement désemparé face aux structures religieuses historiques. Excepté une minorité qui se radicalise en rejoignant les rangs des «intégristes», la plupart des individus adoptent une démarche «conciliante». Chacun se fabrique sa propre religion, à partir des sources les plus diverses. C'est là le résultat du double processus dindividualisation et de globalisation (lauteur insiste dautant plus sur ce point quil est lui-même lauteur de plusieurs ouvrages sur lacculturation du bouddhisme en France). C'est donc globalement le processus de «bris-collage» que F.Lenoir sattache à analyser. Cette évolution des formes de la foi ne débouche pas sur une simple juxtaposition déléments pris dans différentes religions, au hasard des pérégrinations spirituelles de loccidental, mais parvient à créer une nouvelle religiosité.
Celle-ci est marquée par le rejet de linstitution pour un retour vers des attitudes plus individuelles, ou plus sectaires (au sens weberien, c'est-à-dire basées sur le charisme, le choix personnel). La nouvelle foi se tourne vers un Dieu différent, plus intérieur, moins personnalisé, et plus féminin. Cette description de lévolution sociétale actuelle est très probablement juste. Mais cest pourtant ici que lon pourra le plus critiquer la démarche de lauteur, parce quil en arrive à juger et justifier ces attitudes en les décrivant, perdant là de son objectivité. Cela est dautant plus regrettable que le sujet se prête aisément à la polémique. Aussi sa conclusion sur le «nécessaire changement» que devra vivre le catholicisme est-elle rédigée dans un registre absolument normatif, bien loin de lindépendance desprit dun sociologue. Dans ce cas, peut-être aurait-il été plus judicieux quil «saffiche» clairement, et présente ses propres orientations philosophico-religieuses, et politiques ; car, à lopposé de ce quil prétend dans son introduction, cela peut être utile à ses lecteurs, ne serait-ce que pour mieux jauger la part dengagement et la part de scientificité
dun ouvrage, qui, cet aspect mis à part, reste très instructif, parce quil sort de lapproche convenue sur les rapports entre modernité et religion, et entre les différentes religions.
Aurore Lesage ( Mis en ligne le 15/06/2005 ) Imprimer
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