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Poches -> Histoire |
| Liliane Crété Les Tudors Flammarion - Champs 2012 / 8 € - 52.4 ffr. / 286 pages ISBN : 978-2-08-127087-9 FORMAT : 11cmx18cm
Première publication en août 2010 (Flammarion - Au fil de l'Histoire)
L'auteur du compte rendu : Hugues Marsat est agrégé d'histoire. Enseignant dans le secondaire, il mène parallèlement des recherches sur le protestantisme aux XVIe-XVIIe siècles. Imprimer
Pour nimporte quel téléphage, la dynastie anglaise des Tudors nest plus une inconnue. Avec plusieurs saisons, Les Tudors, la série de Michael Hirst, met en scène les amours et les cabales de la cour du roi Henry VIII (1509-1547). Surfant sur la vague de la mode et pour qui voudrait démêler le vrai du faux de la série sans pour autant se colleter à dépais volumes, la collection ''Au fil de lhistoire'' des éditions Flammarion sest déroulée plus vite en publiant une synthèse de Liliane Crété sur cette dynastie qui porte les couronnes parfois virtuelles de lAngleterre, du Pays de Galles, de lIrlande et de la France (aujourd'hui en format poche dans la collection "Champs").
Or, la dame est aussi spécialiste du protestantisme de lépoque moderne tant dans ses dimensions politiques elle a écrit une biographie de Coligny que théologiques on lui doit récemment une savante étude sur le discours protestant sur lau-delà. Autant dire quelle est particulièrement compétente pour traiter des rois Tudors : en un peu moins dun siècle, non sans mal et non sans réticences, ces monarques font basculer la religion officielle de lAngleterre et du Pays de Galles du catholicisme romain vers un culte original, mélange de théologie protestante et de liturgie catholique, à la tête duquel ils se sont assis, et ce en dépit des désirs des catholiques et des puritains anglais insatisfaits par cette voie médiane.
Pour qui voudrait comprendre le comment de cette évolution, le livre de Liliane Crété est des plus adaptés. Le problème religieux y occupe une grande partie du propos et de manière pleinement justifiée car il est la grande affaire intérieure de lAngleterre du XVIe siècle. Toutes les étapes sont là : depuis les problèmes matrimoniaux de ce théologien amateur quest Henry VIII jusquà ladoption des articles de foi, en passant par lépisode très protestant et le retour sur le catholicisme que constituent les courts règnes dEdward VI (1547-1553) et de Mary Tudor (1553-1558). Vient alors le cortège des condamnés à la décapitation pour trahison ou au bûcher pour hérésie, dont seuls les noms les plus célèbres restent en mémoire : Anne Boleyn, Thomas More, Mary Stuart, Thomas Cranmer
Car ils ne sont pas tendres ces Tudors avec ceux qui menacent leur position ou leur foi. Mary Tudor y gagne son surnom de ''Bloody Mary'', Mary la sanglante.
Liliane Crété analyse finement et de manière synthétique cette évolution. En bonne protestante qui maîtrise sa Bible, elle explique les parallèles établis entre les Tudors et les rois et reines de lAncien Testament : Edward VI est un Josias, Mary une Jezabel, Elisabeth une Déborah. Elle a malheureusement aussi des raccourcis historiographiques dépassés et sans nuances lorsquelle dépeint un tableau totalement noir de létat de lEglise catholique à la veille de la Réforme. Cela fait partie des inconvénients des synthèses. Liliane Crété manifeste une certaine empathie pour son sujet. Pour le coup, son livre aurait dû sintituler Les Tudors et la Réforme en Angleterre.
En effet, la part prise par la religion obère largement les autres affaires des royaumes Tudors. Si le rôle de lAngleterre dans les affaires européennes est clairement expliqué, il nen va pas de même dans le gouvernement intérieur des Tudors dont les mesures de finances, par exemple, sont simplement évoquées. Les sources employées et la bibliographie laissaient envisager une vision plus homogène. Encore un inconvénient de la synthèse. Le titre surtout met laccent sur une biographie familiale.
Or, si le règne dHenry VII, le fondateur de la dynastie, occupe seulement un chapitre, sa vie avant la bataille de Bosworth (1485) où la couronne lui est donnée après la mort de Richard III, est, elle, évacuée en une page. Son père et son oncle sont à peine évoqués et son grand-père, Owen Tudor, dont la vie marque quand même le début de lascension de la famille, napparaît pas bien quil ait épousé Catherine de Valois, fille du roi de France et veuve du roi dAngleterre. De ce couple sont issus les Tudors.
Cest regrettable parce quen dépit des pièces de Shakespeare, lAngleterre du XVe siècle demeure chez nous moins connue que celle des Tudors qui a déjà fait coulé beaucoup dencre française. Le lecteur se tournera vers les ouvrages déjà anciens de Paul Murray Kendall pour ces aspects. Ce dernier livre dailleurs un bilan bien moins négatif des règnes des York que Liliane Crété. Les Tudors nest donc pas une biographie familiale mais une biographie dynastique, ce qui est différent. On ne peut que louer Liliane Crété pour la qualité de sa synthèse et regretter quelle nait pas eu une pensée pour Owen.
Hugues Marsat ( Mis en ligne le 21/02/2012 ) Imprimer | | |
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