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La question chiite
Laurence Louër   Chiisme et politique au Moyen-Orient - Iran, Irak, Liban, monarchies du Golfe
Autrement - Mondes et nations 2010 /  8 € - 52.4 ffr. / 196 pages
ISBN : 978-2-262-03082-7
FORMAT : 11cm x 18cm

Première publication en mars 2008 (Autrement).

L'auteur du compte rendu : Historien des relations internationales à Sciences Po Paris, Pierre Grosser est directeur des études de l’institut diplomatique du ministère des affaires étrangères.

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Depuis 2004, il est question d’un «arc chiite», et les dimensions transnationales du chiisme sont mises en avant. On a un peu l’impression de se retrouver dans les années 1980, lorsque les experts travaillaient sur l’«exportation» de la révolution iranienne, dans les communautés chiites du Liban, d’Afghanistan ou d’Arabie Saoudite, et sur les rivalités entre les réseaux sunnites saoudo-pakistanais et les réseaux chiites iraniens. Après la première Guerre du Golfe, la répression dont furent victimes les chiites passionna bien moins que celle subie par les Kurdes. Mais le public s’habitua à la cartographie «ethnique» et «religieuse» de l’Irak, d’autant que certains travaux, comme ceux de Pierre-Jean Luizard, décrivaient l’insurrection chiite au commencement de l’histoire du mandat britannique en Irak.

Désormais, dans le sillage de la guerre américaine en Irak, de la mise en avant de la «menace» iranienne, et de la «guerre de 33 jours» au Liban à l’été 2006, la question chiite est remise sur la table. On disposait, en français, du livre essentiel mais difficile dirigé par Sabrina Mervin, Les Mondes chiites et l’Iran, publié aux éditions Karthala en 2007. A présent, si l’on veut dépasser les généralités du dernier Monde des Religions, ou les simplifications des stratèges qui voient la main de l’Iran partout, l’ouvrage de Laurence Louër est indispensable. De même que le grand livre récent de Roschanack Shaery-Eisenlohr (Shi’ite Lebanon. Transnational Religion and The Making of National Identities, Columbia University Press, 2008) met l’accent sur l’utilisation du transnational par les chiites libanais pour se tailler une place dans l’espace national du Liban, Laurence Louër met en valeur les dialectiques complexes entre le national et le transnational.

Les clercs sont les architectes des réseaux chiites transnationaux. Mais ceux-ci sont fort complexes. Il faut mentionner la rivalité entre le réseau du Parti al-Da’wa né à Nadjaf, et le mouvement «shiraziste» de Karbala, rivalité qui s’est transposée en particulier dans les pays du Golfe. Le second a le plus voulu répandre la révolution iranienne, mais Téhéran s’est plutôt appuyé sur le premier. Les clergés ont été concurrencés par des laïcs, et des formes de «sécularisation» sont identifiables au Liban et en en Irak. Il faut distinguer entre les monarchies du Golfe dans lesquelles le chiisme est présent depuis longtemps (voire où les chiites considèrent être la nation originelle, comme au Bahreïn) et celles où les chiites sont d’implantation récente, liée aux migrations, et avec un faible encadrement clérical (Koweit, Emirats arabes unis, Oman). Après la mort de Khomeiny, les contestations de l’autorité religieuse iranienne se sont multipliées, en particulier de la part des laïcs. Les partis les plus dépendants de l’Iran, au Liban ou en Irak, ont des relations souvent difficiles avec celui-ci, lequel cherche à ne pas se présenter seulement comme une puissance chiite. Les dimensions nationales sont donc souvent prépondérantes. Il faut enfin mentionner le messianisme du sadrisme en Irak et du Président iranien, qui compliquent encore le tableau, puisqu’il montre que la «sécularisation» n’est pas forcément gage de modération.

Dans un texte serré, mais très clair, l’auteur montre donc la complexité du chiisme, et rappelle que ce ne sont pas une carte des chiites au Moyen-Orient ou quelques tableaux statistiques qui permettent de comprendre le réel. Il est dommage toutefois qu’elle n’insiste pas plus sur la politique américaine de la région, qui a semblé en 2003 favorable aux chiites, avant de crier au loup, et enfin de prendre conscience de la prédominance du tactique sur l’idéologique.


Pierre Grosser
( Mis en ligne le 27/01/2010 )
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