| Gabriella Giandelli Interiorae (tome 1) Vertige Graphic Coconino Press - Ignatz 2005 / 9 € - 58.95 ffr. / 32 pages ISBN : 2-84999-004-3 FORMAT : 21,5 x 29 cm Imprimer
Dans cet immeuble dune dizaine détages, les gens vont et viennent, se croisent, discutent, rêvent, regrettent, espèrent, vivent. Chacun son chez soi, chacun sa case, sa fenêtre sur cour, déserte et grise. Un spectateur insolite assiste à ces morceaux dexistence : un lapin blanc aux pouvoirs extraordinaires. La créature lit dans les pensées, traverse les murs, vole, grandit, rapetisse et surtout est invisible aux yeux de tous les habitants. Une sorte dange gardien animal, témoin de notre quotidien, omniscient et curieux des humains, qui passe dun appartement à lautre pour écouter les conversations, observer les rêves dun dormeur, ou retrouver quelque repos dans son appartement préféré peuplé
dune famille de fantômes ! Chaque soir, le lapin rejoint les sous-sols de limmeuble et va faire son rapport au « Grand Sombre », le cur de la maison, celui qui fait vivre limmeuble et se nourrit des rêves de chacun.
Lillustratrice, Giovanna Giandelli a déjà publié en France les albums remarqués Silent Blanket et Sous les feuilles, tous deux aux éditions du Seuil. Récemment, on a pu voir son travail dans la revue collective Black. Avec Interiorae, on retrouve ce style graphique très particulier, crayons de papier passés en sépia. Un dessin plutôt rond et chaud, ne dissimulant pourtant pas une grande mélancolie. Les personnages de Giovanna Giandelli sont tous comme prisonniers de cet immeuble, prisonniers dune vie quils nont pas choisie, qui leur a joué un drôle de tour à un moment ou un autre. Les seuls gens toujours heureux ici sont les fantômes ! Pour les autres, le quotidien nest pas réjouissant : monotonie pour cet homme qui passe tous les soirs de la semaine à dîner seul, grisaille dune vie qui se termine pour cette vieille dame, ou encore peine de celui qui a été abandonné par lêtre aimé. Alors, chacun porte son rêve, chacun fait vivre à sa manière limmeuble, lui donne une couleur, une touche de lui-même.
Interiorae est un album assez mystérieux, nétalant pas encore toutes ses cartes, mais parvenant à instaurer un réel climat, une ambiance empreinte de monotonie, de regrets. Comme les anges de Wim Wenders, le lapin blanc observe, écoute, mais nagit pas sur son environnement. Il pose son regard sur le monde, sur un quotidien quelque peu morose, éclairé soudainement dune rencontre entre deux êtres qui saiment déjà pour toujours, du moins le pensent-ils. Ouvrage sensible et précieux, on ose dores et déjà attendre beaucoup de la suite.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 19/03/2005 ) Imprimer | | |