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Bande dessinée -> Autre |
| Alex Barbier Lettres au maire de V. (vol.3) - Pornographie d'une ville FRMK - Amphigouri 2006 / 14 € - 91.7 ffr. / 40 pages ISBN : 2-35065-008-1 FORMAT : 21 x 26,5 cm
Lettres au pair de F.
Entretien avec Vincent Bernière
ISBN: 2-35065-009-x
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Et puis il y a Alex Barbier. Toujours en marge, seul contre personne (qui oserait saventurer sur son terrain ?), indémodable parce que jamais vraiment à la mode, intransigeant, travaillant à son rythme et non à celui du festival dAngoulême, peintre, écrivain, artiste
Et auteur de quelques bandes dessinées parmi les plus incroyables que le neuvième art ait pu produire. Ainsi Lycaons, Comme un poulet sans tête, Lettres au maire de V. ou Autoportrait du vampire den face sont autant de chefs-duvre, des ouvrages qui ne ressemblent à rien de ce quon a pu ou pourra lire, et qui, au-delà de leur singularité, sont des remue-méninges-et-tripes qui marquent le lecteur de façon indélébile. On noublie pas la lecture dun album dAlex Barbier, et même, régulièrement, il sagit dy revenir, comme pour se persuader que lon na pas rêvé. Retrouver ces émotions fortes, sy perdre à nouveau, aimer détester son rôle de voyeur, et surtout se délecter de ces peintures aussi lumineuses que leur pouvoir dévocation est sombre et cauchemardesque. Un voyage au bout de lhorreur soudainement éclairé par de fulgurantes déclarations damour et de sexe - à la vie, à la nature, à lautre.
Aussi, quand après six ans dabsence (et une belle réédition de Lycaons entre temps) paraît un nouvel album de Barbier, lévénement est à ne pas rater. Dautant que louvrage est présenté comme lultime volet des Lettres au maire de V. , correspondance sulfureuse commencée il y a plus de dix ans, et écrite à plusieurs mains, parfois griffues, parfois moites, parfois ensanglantées. Il ne fait pas bon vivre dans la petite ville de V. : loups-garous et vampires sy cachent et accomplissent dodieux viols et assassinats. Et les corbeaux observent de derrière leurs fenêtres, avant den référer aux notables. Le maire reçoit un tas de lettres signées dobscur professeur, de retraité trop tranquille pour être honnête, de vampire féru daquarelle ou denfant enfermé dans le placard. Et parfois cest le magistrat lui-même qui senvoie quelque courrier, dénonçant ses propres exactions, et confirmant ainsi quil y a bien quelque chose de détraqué dans cette contrée.
Ce troisième et dernier chapitre frappe par sa concision. Lensemble tourne autour du récit dun jeune garçon, loup-garou et vampire à la fois, fils de lon devinera vite qui, et devenu esclave sexuel de quelque camarade de classe. Cest un récit plus intime que raconte Barbier ici. Pas de crimes en série, pas dintrigues qui se croisent ni de témoins qui se superposent. Les lieux sont familiers et laction se focalise sur un seul sujet, encadré par le regard froid et doucement cruel de monsieur le maire. Quant à lhumour, toujours présent dans les précédents opus, la bouée de sauvetage pour un lecteur submergé, il manque cette fois à lappel (ou seulement contenu dans un sous-titre ironique), faisant de ces dernières pages un épilogue brutal et dérangeant. Plus court, et donc plus tranchant, dune violence extrême et dont la fin abrupte et sèche ressemble à un ultime coup de guillotine, laissant un lecteur définitivement sonné, abasourdi. La ville de V. na pas fini de soigner ses plaies. Et loups-garous, vampires, et autres énarques (!) nont pas fini de hanter les rues de la ville, la nuit, sous des cieux apocalyptiques, ou le long de tronçons dautoroutes toujours désertes.
Depuis les premières lettres parues dans Comme un poulet sans tête, et même depuis les premières pages publiées dans Charlie Hebdo à la fin des années 70, Barbier sculpte le même bloc didées à grands coups de pinceaux bariolés et de textes qui cognent. Des grands thèmes qui se retrouvent dune uvre à lautre, travaillés jusquà lépuisement, jusquà ce quil nen reste plus rien, évidés. Aussi bien dans les textes que dans les dessins, lauteur franchit ici un nouveau cap. Et si les formes se voilent et sencombrent encore plus quavant, lénergie du geste gagne du terrain sur le trait, les contours se troublent dans daudacieux accidents de couleurs. La « ligne brouillée », comme lartiste lappelle lui-même, est encore et toujours malmenée. Ça déborde, dégouline, et se débine. Mais toujours, lessentiel, le corps et la chair, au cur du maelström graphique.
Crépusculaire et violemment belle, cette dernière salve choquera et indisposera peut-être. Et cest tant mieux ! Cest le signe quAlex Barbier a encore des choses à dire ; loin dêtre désoeuvré, mais au contraire prompt à dégainer et tirer quelques jolis coups en plein cur.
Précisons enfin que ce dernier volet dun triptyque exceptionnel est loccasion pour les éditions du Frémok de publier en même temps un ouvrage complémentaire, bonus bienvenu, Lettres au pair de F. . On y trouvera un long entretien (résultat de plusieurs rencontres avec Vincent Bernière) avec Alex Barbier qui revient sur sa jeunesse, ses débuts dans la bande dessinée, sa traversée du désert dans les années 80
Lensemble est émaillé de photographies qui ont servi de documentation à lélaboration des albums, de dessins inédits et de recherches diverses.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 13/06/2006 ) Imprimer
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