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Bande dessinée -> Manga |
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« Au bout du chemin, il n’y a que le désespoir » | | | Syuho Sato Say hello to Black Jack (vol. 5) Glénat - Seinen manga 2005 / 6,40 € - 41.92 ffr. / 200 pages ISBN : 2-7234-4736-7 FORMAT : 11x18 cm Imprimer
Avec ces chroniques de cancérologie, Syuho Sato met la barre haut. Très haut même : parvenir à dévoiler sans voyeurisme ni niaiserie toute la douleur et langoisse sourde qui étreignent les patients dun service doncologie, voilà tout lenjeu du volume. Lavertissement du début démontre que lauteur saventure sciemment sur un terrain glissant et laisse présager une provocation intelligente dont Sato semble être passé maître en la matière.
Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, une petite mise en bouche (et un avant-goût de lenfer) nous est proposée, avec un séjour en pédiatrie -médecine vétérinaire sil en est-, où le jeune Saitô se trouve confronté sans ménagement à lagressivité de parents hystériques et revendicateurs, aux consultations blindées de mioches aussi difficiles à examiner les uns que les autres mais aussi à de grands moments de fou rire dans une unité bondée denfants turbulents.
Cette digression est loccasion pour lauteur de pointer du doigt le déficit de personnel et le manque de vocations que connaissent certaines spécialités, littéralement sinistrées. Notre jeune interne y fait dailleurs des rencontres bouleversantes, et lon retiendra la philosophie dun vieux pédiatre blasé qui résume assez joliment les deux catégories de médecins qui existent à ses yeux : « Tout dabord, il y a ceux qui brûlent dardeur pour la vocation et qui poursuivent leurs idéaux. Et puis, il y a ceux qui se sont résignés et soignent en silence les patients quils ont sous les yeux, un par un ». Cette mise en garde contre un idéalisme naïf et souvent vain fait prendre conscience à Saitô de la nécessité détouffer dans luf toute velléité de révolte de sa part pour parvenir à tracer son chemin dans limpitoyable petit monde médical.
Ce dernier se découvre ainsi sur le tard de véritables dons de lèche-cul quil appliquera avec merveille dans son nouveau semestre en cancérologie.
Et Sato dattaquer fort en présentant demblée les chimiothérapies comme des expérimentations sur cobayes humains et en développant une réflexion passionnante sur le délicat problème de lannonce du diagnostic (et du pronostic) dune maladie grave à un patient. Le Dr Shôji est ici la figure emblématique du médecin en proie à ce paradoxe accablant : soigner alors quil ny a plus despoir. Le praticien se targue de dire la vérité aux patients, mais il apparaît peu à peu que cette annonce omet scrupuleusement tout pronostic et ressemble plus à un désengagement de la part du médecin que dune réelle volonté de transparence et dhonnêteté vis-à-vis du malade. Shôji se « débarrasse » de cette façon de toutes les peurs qui sous-tendent la maladie et soulage sa conscience dun poids difficile à porter. Le débat est ouvert, avec des avis très tranchés et des conceptions très différentes de la médecine soutenus par des protagonistes passionnés et passionnants, attachés à suivre ce qui leur semble être le « vrai ».
Une autre problématique se pose alors face à ces patients atteints de cancer : quand doit-on renoncer au traitement curatif pour se consacrer uniquement à des soins palliatifs ? Ces soins palliatifs sont-ils le signe dun abandon, dune insupportable impuissance ou le rôle du médecin ne réside-t-il justement pas dans laccompagnement du patient, même lorsque tout est perdu ? Cela nest-il pas lessence même de lexercice médical ? Ces interrogations, auxquelles tout médecin est confronté au moins une fois dans son exercice, nous ramènent à certains fondamentaux, avec dans ce tome une place toute particulière accordée à la souffrance, à la maladie et à la mort.
Empreint dune fatalité poignante, le manga se veut aussi porteur dun espoir fou et le reflet dune société moderne en proie à ses doutes et ses limites. La technicité ne fait donc pas tout, et le progrès ne peut nous dispenser dune compassion salvatrice envers notre prochain, au risque sinon de sombrer dans laliénation la plus totale, dépouillés du reste dhumanité qui nous habite encore. Bouleversant, Say hello to Black Jack est indiscutablement lune des séries les plus marquantes de toute lhistoire du manga.
Océane Brunet ( Mis en ligne le 14/05/2005 ) Imprimer
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