| Alessandro Tota Pierre Van Hove Le Voleur de livres Futuropolis 2015 / 24 € - 157.2 ffr. / 176 pages ISBN : 9782754810043 FORMAT : 19,5x26,5 cm Imprimer
Et voilà Daniel Brodin, étudiant en droit et poète en souffrance. On est à Paris, dans les années cinquante, le droit est bien ennuyeux, la poésie bien révolutionnaire, et à Saint-Germain-des-Prés, on déclame dans quelques cafés branchés en attendant la gloire. Brodin, au hasard dun quiproquo, connaît un petit succès littéraire, certes usurpé, mais qui lengage dans une double carrière, celle de voleur (de livres) et celle de poète. Accepté par une bande de jeunes artistes au style nihiliste, il surfe étrangement sur cette gloire factice, jouant au rebelle chez les parents bourgeois de sa petite amie, et tentant de simmiscer dans une respectable revue littéraire en annonçant la révolution. Mais le talent quil déploie nest que celui dun autre
et bientôt, à linauthentique Brodin, le monde de Saint-Germain-des-Prés préfère létrange Jean-Michel, lauthentique voyou de la bande, dont les mauvaises manières sont perçues, par quelques esthètes, comme la quintessence de la révolte. La gloire artistique est un horizon bien difficile pour Brodin
reste la gloire criminelle !
Et voilà un album plaisant, drôle et cynique, une intrigue littéraire dAlessandro Tota magnifiquement mise en image par Pierre Van Hove qui, pour un coup dessai, fait un coup de maître avec ce premier album. Le charme de louvrage réside déjà dans le décor, ce Saint-Germain-des-Prés bohème, littéraire, existentialiste
un peu toc mais si branché, si « in », avec ses faussaires, ses parasites, ses snobs, et ses artistes. Un univers intellectuellement clinquant qui se déploie dans un Paris encore marqué par la guerre et ses difficultés. Van Hove sest manifestement inspiré de photographies, de films néo-réalistes, pour tisser une atmosphère, une ambiance au sein de laquelle le piètre Brodin se heurte aux dures réalités. Quelques clins dil (dont Jean-Michel, très inspiré de Depardieu) appuyés à noter. Et surtout un immense plaisir à observer les déambulations de Brodin, les gesticulations de sa bande, les discours définitifs, absolus et saugrenus de tout ce petit monde
Tota samuse, et nous amuse, en singeant, avec une ironie constante, sans méchanceté, les poses existentialistes. Un vrai album poétique, révolutionnaire, et des auteurs quil faut désormais surveiller de près.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 06/04/2015 ) Imprimer | | |