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Bande dessinée -> Comics |
| Alan Moore Kevin O'Neill La Ligue des Gentlemen extraordinaires – Century (tome 2) - 1969 Delcourt - Contrebande 2011 / 14.95 € - 97.92 ffr. / 80 pages ISBN : 978-2-7560-1929-1 FORMAT : 23x31.5 cm Imprimer
Si 1910 navait pas vu la sinistre prédiction apocalyptique du medium Carnacki se réaliser, cela pourrait-il arriver en 1969 ? Cest ce que sont amenés à penser Mina et ses acolytes (Allan Quatermain et Orlando), qui ont eu vent dun retour probable de la secte dOliver Haddo, ce mage noir ayant entre autres le projet de mettre au monde rien de moins que lAntéchrist. Revenus de lîle de la famille Nemo, les trois immortels qui composent cette nouvelle nouvelle Ligue débarquent donc dans le Londres psychédélique et frappadingue de la fin des années 60. Lété de lamour est passé, ne restent que quelques halos de fumée rose et des hippies bientôt complètement dépassés. La mort dune rock star dans sa piscine enclenchera lenquête de la Ligue dans le monde de la musique pop et de ses vers sataniques. Et cette fois le danger ne concerne plus seulement Londres mais bel et bien les héros de la série, Mina en tête.
Chaque travail dAlan Moore est évidemment passionnément attendu. Et si lon craint ne jamais pouvoir relire un récit de lenvergure de Watchmen ou From Hell, on peut tout de même être en droit de penser que Moore reste toujours un auteur sur qui il faut impérativement compter. Avec cette nouvelle série, prévue en trois parties (1910, 1969 et prochainement 2009 donc), Moore montre quil en a encore dans la tête, et il parvient à mêler avec brio aventures fantastiques, violence crue, sexualité inquiétante, humour potache, érudition ludique et narration labyrinthique.
Si le précédent opus était très noir, ce nouveau tome est ouvertement débridé. Derrière lintrigue, finalement peu complexe si lon veut bien se donner la peine de suivre, se cache un humour de plus en plus en plus parodique. Moore casse ses jouets et tord le cou à tous les clichés. Ici, le plus gros, est ce rapprochement longtemps fait entre rock et satanisme. Moore prend au pied de la lettre ces croyances naïves pour les mettre au cur dun final absolument hallucinant (rappelant celui du Black Dossier), où les actions sentremêlent et où ONeill sen donne à cur joie dans le délire graphique le plus total.
Moore nest pas tendre avec ses personnages. Ici les rock stars sont souvent abruties, complètement droguées et allumées, incapables de réfléchir correctement. Le Peace and Love est en gros une escroquerie, niaise qui rend les gens encore un peu plus mous que la normale. Le concert final de Hyde park sonne comme le Altamont des Stones, un dernier coup de poignard dans les joyeuses sixties, un terme à la débilité crasse, une avancée de plus pour la violence et la cruauté. Lépilogue nest pas plus conciliant avec le mouvement punk, devenu le dernier refuge pour les héros dépassés. Le Century de Moore nest pas tendre pour les figures légendaires
Comme dans le précédent volume, on peut regretter que cette ligue ne possède dailleurs pas lillustre charisme de la version de 1880. Si Mina garde encore un peu de son panache, Quartermain et Orlando ressemblent de plus en plus à une version niaise de Dupont et Dupond. Létoffe des héros nest plus là, et lépilogue enfonce le clou de cette déchéance des mythes.
Il y a enfin ce personnage de détective intemporel, bloqué dans un lieu (Kings Cross, Londres) mais pas dans le temps. Ce personnage dAndrew Norton qui revient régulièrement donner de curieux indices aux enquêteurs pourrait être vu comme un double imagé de Moore lui-même. Celui qui a une vision panoramique de lensemble et qui sexprime par énigmes pour qui na pas les mêmes connaissances.
Comme toujours chez Moore, et encore plus dans cette série, la lecture peut être prolongée par les recherches du lecteur. Certes il y a des allusions évidentes, ainsi la rock star qui meurt dans sa piscine évoque Brian Jones de même que la chanson entonnée par le Purple Orchestra est un décalque de Sympathy For the Devil des Stones. Mais cest armé de culture générale et dInternet que le lecteur devra senfoncer un peu plus dans les entrailles de cet album pour en découvrir toutes les allusions. Et le voilà parti à la recherche de la signification des multiples références qui émaillent chaque planche, chaque vignette. Cela fait partie du jeu. On peut choisir de passer à côté, prétendant que le livre doit se suffire à lui-même, on peut aussi prendre chaque album de Moore comme une porte ouverte vers une quantité de pistes à découvrir.
Cette richesse du fond alliée à un scénario daventures tout ce quil y a de plus palpitant rend lensemble brillant, comme dhabitude, et lon a hâte de voir ce que nous préparent Moore et ONeill pour lultime tome de cette géniale série.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 31/10/2011 ) Imprimer
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