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Bande dessinée  ->  Fantastique  
 

Ouvrez la cage aux tableaux
Eric Liberge   Aux heures impaires
Futuropolis Musée du Louvre 2008 /  15 € - 98.25 ffr. / 75 pages
ISBN : 978-2-7548-0168-3
FORMAT : 23x31,5 cm
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Troisième opus de cette collection en coédition avec le Musée du Louvre, après Période glaciaire et Les Sous-sols du Révolu, deux petits chefs-d’œuvre qui font de cette série originale une salve de haute tenue. On aurait pu en effet s’inquiéter et n’attendre de ces « commandes » rien de plus que quelques fluettes histoires rapidement troussées autour du musée. Belphégor + Da Vinci Code = bonne bédé ? Mais Nicolas de Crécy et Marc-Antoine Mathieu ne sont pas artistes à s’engager à la légère et, chacun à leur manière, ils ont su travailler le sujet imposé avec leur style propre et une réflexion fine autour des musées, de l’œuvre d’art, de sa pérennité et de son rôle.

Si aujourd’hui l’album d’Éric Liberge n’a pas l’érudition virevoltante de ses prédécesseurs, il n’en reste pas moins un très bel album, certes plus classique dans sa trame, mais d’une vigueur exemplaire et d’un travail graphique remarquable, rappelant les grandes heures de Métal Hurlant, du temps où les expérimentations graphiques spectaculaires étaient de mises et ne se résumaient pas à quelques manipulations photoshopesques. C’est de la fantaisie sur papier qui se dévore comme un grand show, un opéra séquentiel à découvrir les yeux grand ouverts, pour ne pas en perdre une miette. Depuis ses tous premiers travaux, Liberge aime en mettre plein les mirettes, et avec cet album - après les décevants Corsaires d’Alcibiade -, il revient au meilleur de sa forme, ayant encore muri son trait et proposant dans ces pages un remarquable travail, mixant avec finesse le dessin traditionnel aux techniques numériques, les collages aux croquis.

L’histoire commence donc au Louvre, forcément, face à un Géricault toujours imposant, toujours superbe. Bastien est sourd et là, entre deux grands formats français, il attend son entretien pour faire un stage au musée. Une altercation avec un agent de surveillance et voilà le destin de Bastien qui bascule : le rendez-vous n’aura pas lieu, mais le jeune homme va faire la connaissance d’un autre employeur potentiel. Il s’appelle Fu Zhi Ha et est gardien de nuit au musée (en fin d’ouvrage, un rapide historique de la fonction d’agent de surveillance rappelle que l’un des premiers gardiens du Museum Napoléon s’appelait Fuzelier…). L’homme raconte à Bastien que les œuvres ont une âme et qu’entre ces murs d’exposition, il est nécessaire de canaliser ces forces qui ne demandent qu’à se libérer.

Le récit de Liberge prend son temps, laisse les éléments se mettre ne place, les thèmes se développant peu à peu, se répondant avec élégance. Le mutisme de Bastien fait écho à celui des œuvres, cette rage contenue qui ne demande qu’à exploser, cette frustration qui gronde jusqu’au trop plein. Et le musée serait dès lors comme une prison dorée, une maison de repos pour un patrimoine moins sage qu’il n’en a l’air. Ouvrez, ouvrez la cage aux tableaux. Les créations artistiques sont faites pour être montrées, certes, mais aussi pour faire exploser les consciences, repousser les libertés, s’afficher, s’exhiber. Le Louvre de Nicolas de Crécy était un patrimoine oublié, un chef-d’œuvre en péril, celui de Marc-Antoine Mathieu un labyrinthe à la Borges. Avec Liberge, c’est plus explosif, subversif même, c’est le rêve d’un musée à ciel ouvert, une pyramide renversée, une grande galerie démantelée. Un sans dessus dessous culturel qui met à bas les classements, les rangements, les étiquettes pour ne garder que la sensibilité face à une œuvre, l’émotion primaire et sourde, le retour à la nature, au son des tambours et des rythmes ancestraux.

Pour mettre en images cette scénographie déchaînée, le dessinateur déborde d’imagination graphique. Il excelle dans les mises en scènes grandioses (une Victoire de Samothrace qui vole dans les airs, ça n’est pas courant), les séquences explosives (la statue en argent de Henri IV, garnement de bronze qui fout le bazar dans la cour Marly), les ambiances marquées (une visite du Louvre la nuit, qui n’a jamais rêvé le faire ?).
Et au-delà de cette virtuosité imparable, c’est avec une superbe astuce graphique au service d’une idée toute simple que le talent de Liberge éclate : en cherchant à rendre compte du langage des signes des personnages, l’auteur dessine avec grâce une chorégraphie des mains d’une beauté aérienne. Les courbes se mêlent sans se mélanger, les gestes se déploient sous nos yeux, les mains racontent, les doigts chantent. Ne serait-ce que pour ce petit rien, l’album – très riche par ailleurs - est à lire !


Alexis Laballery
( Mis en ligne le 14/10/2008 )
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