| Hubert Gatignol Petit - Les Ogres Dieux Soleil - Métamorphose 2014 / 26 € - 170.3 ffr. / 152 pages ISBN : 978-2-302-04312-1 FORMAT : 34x31,5 cm Imprimer
Il était une fois une dynastie dogres : géants, cruels et carnassiers, affamés de chair humaine et régnant sans partage sur une immense vallée où on les prenait pour des dieux
Cest dans cette famille que naît un jour, presque par inadvertance, le petit, un ogre certes, fils de roi, mais à taille humaine, minuscule donc dans cette famille. Condamné davance, il survit grâce à lamour de sa mère, qui voit en lui un avenir. Car les ogres, qui se reproduisent entre eux depuis des générations sont peu à peu affaiblis, dégénérés, rapetissés et largement abêtis. Enfermés dans leur château et dominant une humanité qui les révère, ils se disputent et attendent la fin. Elevé par sa grand tante, le Petit, toujours sans nom, va découvrir peu à peu la vie, son héritage, sa « famille » monstrueuse
et son humanité. Et peut être, sil survit à lappétit des siens, incarner un renouveau ?
Voilà un album fascinant, à mi chemin du conte de fée et de lhorreur gothique : dans un graphisme somptueux en noir et blanc, où chaque page raconte une histoire démesurée. On suit les aventures de Petit, ses tribulations dans un palais de géant, ses confrontations avec sa famille dogres, ses expériences avec les humains à grignoter ou à séduire, ses errances hors du palais, dans le vrai monde tout aussi démesuré. Ce qui frappe demblée, cest la maîtrise graphique de lensemble : on est comme aspiré dans cet album aux architectures démentes, comme une version gothique, noire et blanche, de la série des Cités obscures de Schuiten et Peeters (La Tour notamment)
une référence parmi dautres pour des auteurs qui ne craignent pas les morceaux de bravoure et les grandes scènes. Mais lapproche est encore plus subtile et lintrigue superpose les registres et les histoires, celle de Petit et celle de sa famille. En effet, au delà de la seule histoire un peu étrange dun ogre nain, on entre dans une famille singulière, une sorte de parodie monstrueuse des Bourbons (le roi semble un Louis XIV avachi, et Desdée, qui élève Petit, figure une sorte de Catherine de Médicis géante, au mufle tout droit venu des primitifs flamands)
un parodie, dégénérescence incluse. Du reste, les auteurs ont eu lexcellente idée de rythmer chaque chapitre avec un portrait familial, depuis le fondateur de la dynastie jusquau dernier roi ogre
comme une galerie de portraits des ancêtres dont on découvre la part humaine, assumée ou répudiée selon les besoins du moment.
Lalbum est surprenant, séduisant, comme un conte gothique de Noël, un objet singulier dans lesprit de Tim Burton, un petit chef duvre dhumour à consommer sans modération.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 19/12/2014 ) Imprimer
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