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Bande dessinée -> Chroniques - Autobiographie |
| Jeffrey Brown AEIOU Ego comme X 2009 / 18 € - 117.9 ffr. / 224 pages ISBN : 2-910946-70-3 FORMAT : 19x12 cm Imprimer
Le livre souvre sur une note de restaurant. Petit papier sans importance, impersonnel et chiffonné mais finalement conservé, car devenu signe du passé, souvenir dune soirée, synecdoque dune relation. Les bandes dessinées de Jeffrey Brown sont constituées dun tas de notes de restaurant. Une suite dépisodes anodins, mais qui ont marqué lauteur et qui, mis bout à bout, constituent une image morcelée, mais à peu près juste, dune période, dune histoire damour.
Avec AEIOU, Jeffrey Brown clôt sa « Girlfriend Trilogy », commencée avec Clumsy et prolongée avec Unlikely, deux petits joyaux de bande dessinée autobiographique. Survolé rapidement, cest toujours un peu le même livre et les épisodes que lon trouve ici auraient déjà pu se trouver là-bas. Mais dans ce dernier opus, Brown radicalise un peu plus encore sa démarche, assèche son découpage (on passe de 4 à 2 vignettes par page), émiette son récit intime en de petits bouts, bouscule ses souvenirs, privilégiant laffect plutôt que la pertinence. Car tout ici est de lordre du privé, du personnel, de ces petits riens banals qui font frémir ou pleurer lun alors quils glisseraient chez un autre. Mais tout le travail de Brown consiste à montrer que ces instants dapparence insignifiants font une histoire unique justement parce quils ne sadressent à personne dautre. Lauteur excelle dans ces mises en scène du quotidien et dans ces instants futiles (faire des courses ensemble, préparer du thé, aller au cinéma
) qui, avec le temps, deviennent des bouées auxquelles on se raccroche, ces fameuses notes de restaurants.
Brown choisit des moments, et les dessine avec son trait minimaliste mais toujours expressif (les personnages ont toujours des bouilles mignonnes), laissant des vides, des interrogations, bousculant les époques au point de troubler le lecteur sur la chronologie du récit et bouclant finalement son livre comme sil navait pas terminé le travail : notes laissées en plan, dans le désordre, mais qui, avec le recul forme léclatante topographie dune relation amoureuse, avec ses questions laissées sans réponses, et ses bon moments qui tentent de combattre les mauvais.
On pourra trouver, comme cétait le cas dans les épisodes précédents, le caractère prêchi-prêcha de Brown un peu agaçant, tout comme son côté Calimero-Tête de bille, mais cela fait aussi partie dune démarche artistique affirmée, celle dun auteur qui refuse de tricher et choisit de se livrer sans rien cacher de ses humeurs ennuyeuses. Le tout est finalement toujours discret, raffiné, sensible et jamais voyeur ou obscène. Cest là tout le talent de Brown de savoir faire de ce discours de lego un récit universel. Et, lair de rien, lauteur sautorise à sa façon des morceaux de bravoure comme ce fameux « long moment qui précède le premier baiser ». Du grand art dans un petit écrin.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 21/04/2009 ) Imprimer
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