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Bande dessinée -> Chroniques - Autobiographie |
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Les voleurs sans bicyclettes | | | Gipi Bons baisers de la province Futuropolis 2014 / 16 € - 104.8 ffr. / 72 pages ISBN : 978-2-7548-1036-4 FORMAT : 21,4x29 cm Imprimer
Les deux récits de Bons baisers de la province étaient déjà parus séparément dans la collection Ignatz. Deux histoires brèves, troublantes, où Gipi, sans doute le plus grand dessinateur italien du moment, creuse des trous béants quil remplit de curiosité formelle.
Futuropolis se saisit du prétexte dune réédition italienne pour leur donner une deuxième vie, en cartonné mais malheureusement aussi en un peu plus pixellisé. Lédition française ajoute également une courte préface qui relie le volume à S., lautre réédition de lannée. Ces deux nouvelles y gagnent une teinte autobiographique, « souvenirs denfance et dadolescence », histoires de guerre racontées par le père de lauteur. Des cartes postales envoyées des villes perdues de larrière-pays italien.
Pourtant, le premier point commun à sauter aux yeux du lecteur, cest dabord le thème des frontières entre bien et mal. Une question que les bandes dessinées italiennes ont depuis longtemps explorée : alors que de notre côté des Alpes, scouts et jacobins encensaient les défenseurs de la légalité, les fumetti attribuaient déjà le beau rôle aux criminels de tous poils. Gipi sinscrit toujours dans cette tradition. Notes pour une histoire de guerre mettait en scène un adolescent cherchant sa place dans un monde sans repère et aux lois changeantes ; Extérieur nuit faisait la part belle aux voyous, aux motards et aux assassins à la petite semaine.
Ici aussi, les règlements de compte occupent le devant de la scène : du détenu qui veut se venger en sortant de prison aux anciens malfrats mal rangés des voitures. Dans ces deux histoires, il ny a ni angélisme, ni jugement. Gipi cherche à montrer ses personnages sous un jour positif, à nous faire comprendre lattrait du public pour le sang et les larmes, mais sans forcément nous le faire partager. Pas de scène daction, pas de violence gratuite. Les meurtres ont lieu hors-champ, ou dans les récitatifs. Ils nen sont pas moins marquants. Dailleurs, le pire a déjà eu lieu.
Le jeune Andrea admire les délinquants que lui présente son oncle, pourquoi ? Parce quils sont humains et quils se cognent contre les règles, pas parce quils se la jouent Mesrine et quils imposent leur loi. Pour revivre ce frisson de lillicite, de la folie, Andrea propose de mentir à sa mère et de renouveler lexpérience. Oncle et neveu, a priori « innocents », basculent dans une complicité choisie sur les frontières du bien et du mal.
Gipi ne juge jamais. Ses dessins se contentent de poser des questions, sans rien affirmer sur les personnages. Sans même trop montrer leurs actions. En revanche, beaucoup de plans serrés, de visages concentrés sur ce quils voient, et entendent. Et puis de grands décors, variés, des paysages désertés où quelques voix se distinguent. Des routes, souvent. La voiture disparaît au bord de la mer ou au fond de la campagne.
Le roulement des vagues propose un bruit de fond. Cest le papier qui respire.
Clément Lemoine ( Mis en ligne le 07/10/2014 ) Imprimer
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