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Bande dessinée -> Chroniques - Autobiographie |
| Matthieu Blanchin Quand vous pensiez que j’étais mort - Mon quotidien dans le coma Futuropolis 2015 / 24 € - 157.2 ffr. / 176 pages ISBN : 978-2-7548-0831-6 FORMAT : 22x29,8 cm Imprimer
Entre 2001 et 2008, Matthieu Blanchin navait rien publié. Avant, des livres autobiographiques chez Ego comme X, après, une triple biographie de Calamity Jane avec Christian Perrissin. Mais entre ? Ce trou de sept ans nous est aujourdhui expliqué : le dessinateur a été victime dune tumeur au cerveau pour laquelle il a été opéré deux fois. Objet dune attaque brutale, déclaré en état de mort cérébrale, il a alors passé trois semaines dans le coma avant de reprendre progressivement ses esprits. Ce nouveau livre, Quand vous pensiez que jétais mort, fait état de son long combat pour comprendre et maîtriser son corps.
Pendant deux longues séquences, réparties au début et à la fin du livre, Blanchin dessine ses souvenirs du coma. Il rend avec une précision magistrale le vécu de la semi-conscience. Le lecteur retrouve, sans doute pour la première fois en bande dessinée, une description fidèle de ces moments troubles que sont la fébrilité ou le demi-sommeil. Mais lexpérience terrible qui est celle de lauteur va plus loin, en fait un témoignage de référence, un carnet de voyage au pays des hallucinations.
Pourtant, malgré le sous-titre du livre (Mon quotidien dans le coma), il sagit non seulement de ces trois semaines dinconscience, mais aussi de toutes les épreuves tangibles liées à la maladie: depuis les fautes professionnelles des médecins au moment du diagnostic jusquau réconfort de lauteur dans diverses allopathies et dans la psychanalyse. Celui-ci alterne le récit de son quotidien de malade, entouré de sa famille inquiète, et le rendu de sa vie psychique, de cauchemar en crise dépilepsie. La fiction et la réalité se mêlent, sans toujours nous donner demblée le statut de la narration. Encore une façon de mieux accompagner Matthieu Blanchin dans son périple, à lintérieur dune mémoire trouée par endroits et extrêmement précise à dautres moments. Les souvenirs vont et viennent, se répondent et parfois séclairent. Mêmes les passages les plus objectifs, notamment les longues années à chercher un remède à lépilepsie, sont ponctués dimages ressenties plus que de réalités documentaires.
Le lecteur de bande dessinée pensera forcément un peu à David B., pour la référence à lépilepsie, aux découvertes spirituelles et au rêve. Mais ici, on vit la maladie de lintérieur, dans un flux qui révèle la pensée du patient. Matthieu Blanchin se sert des mots, expliquant chaque pensée après lautre, mais aussi des images : symboles, métaphores, fantasmes donnent corps à un cerveau brûlé. Il utilise aussi parfois des photos comme base de ses décors, mais se laisse le plus souvent aller à une interprétation chaude et subjective des rapports de corps, des proportions, des gestes.
Cest un livre marquant, parfois dur, souvent empreint de la souffrance pure de son auteur. Un livre qui ne ressemble pas à un témoignage lambda, et dont on sait quil ne nous laissera pas indemne. Il faut pourtant ouvrir les yeux et se frotter aux images de Matthieu Blanchin : cest bien nous quil dessine.
Clément Lemoine ( Mis en ligne le 26/01/2015 ) Imprimer | | |
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