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Voyage dans l’Empire des signes | | | Igort Les cahiers japonais Futuropolis 2015 / 24 € - 157.2 ffr. / 181 pages ISBN : 9782754811996 FORMAT : 24,8x32 cm Imprimer
Dans les années 1990, Igort, dessinateur italien, se rend au Japon pour un séjour qui, de pinceau en dessins, va devenir sa vie : la découverte, longtemps fantasmée, de lEmpire des signes évoqué par Roland Barthes, est une révolution dans lart du dessinateur, qui se lance, au sein de la maison Kodansha, dans le manga : avec Amore, puis avec Yuri, il se fait connaître, impose son nom et son style, et sinscrit dans la famille des mangaka à succès dune nation qui consomme de la BD de manière boulimique. Telle est la trame de ces cahiers japonais qui sont toutefois bien plus quun récit dauteur, lhistoire dune découverte et dune initiation à lart japonais, à une esthétique autre, qui se nourrit des meilleurs artistes (Hokusai, mais également Miyazaki et Taniguchi) comme des réalisations les plus populaires, une renaissance presque, à la lenteur comme à la frénésie (le « bizutage » du mangaka débutant est assez éprouvant), et qui traverse les paysages de la culture japonaise (la littérature avec Mishima, la poésie haïku avec Basho, ou encore le cinéma avec Oshima et LEmpire des Sens). Et au-delà encore, comme une fleur qui sépanouit, cest la découverte subtile, complexe, dune société, dune civilisation qui ne se révèle pas au tout venant, où la lenteur associée à un certain perfectionnisme, sillustre dans une ambition simple, celle dembellir le quotidien en gommant les aspérités du réel.
Pour tous ceux que le Japon fait rêver, et plus encore, ceux qui pressentent, dans cette culture, un exotisme radical, ce livre est un véritable guide autant quune esquisse dinitiation à la culture japonaise : Igort pense le Japon et sa société autant quil la dessine. Pas à pas, à ses côtés, on vit larrivée, les premières planches manga, les rencontres, limmersion dans une culture qui se dérobe en saffichant, puis la lumière se fait et lon sent lauteur gagné par cette esthétique, habité par des figures, des styles, des images qui sont celles dune autre histoire, dune autre civilisation. On pourrait parler de naturalisation culturelle, tant Igort, après avoir fait figure de passeur entre les deux cultures, séveille à la beauté nippone. La figure conclusive dHokusai est, à cet égard, lultime hommage du disciple au maître quil sest choisi, et à travers la diversité des techniques (photographie, peinture, encre, etc.), des récits, des références, Igort propose une certaine unicité de lart japonais, dans lhistoire dun maître accompli. Un album qui donne à penser autant quà rêver, à ranger aux côtés des ouvrages de Roland Barthes, de Nicolas Bouvier, comme une autre exploration dun Japon décidément lointain.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 31/12/2015 ) Imprimer
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