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Bande dessinée -> Aventure |
| David B. Emmanuel Guibert Le Capitaine Écarlate Dupuis - Roman Aire Libre 2010 / 14 € - 91.7 ffr. / 88 pages ISBN : 978-2-8001-4528-0 FORMAT : 17,7x24 cm Imprimer
Réédition en petit format (pourquoi ? le grand était très bien) dun chef-duvre de la bande dessinée de la dernière décennie. Ce Capitaine Écarlate a tout : un scénario orignal, émancipé, un découpage simple et aéré, un dessin élégant doublé dun joli travail sur les couleurs, précis et caractéristique, et enfin une ambiance, plongeant le lecteur dans un monde subtilement décalé, entre horreur et aventure romanesque.
Cest dabord la rencontre de deux auteurs : dun côté David B. déjà porté sur le rêve et les histoires errantes. De lautre Emmanuel Guibert, habile de ses encres, à laise pour faire de son style où la simplification grignote le réalisme un tremplin vers limaginaire. Ces deux lettrés érudits et curieux convoquent pour loccasion un troisième compagnon de sortie, en loccurrence un esprit, Marcel Schwob. Lunivers de lécrivain symboliste est ici mis à lhonneur pour une histoire abracadabrante mais belle, aussi poétique que fantastique, et confrontant avec habileté les règles du feuilleton et du serial aux libertés du texte et des histoires sans fond.
On envie les lecteurs qui découvriront pour la première fois cet album. Certes les relectures ne lont pas usé, mais le baptême reste une belle expérience. Tout commence lorsquon découvre dans un Paris 1900, entre Vidocq et Fantômas, un cadavre vidé de ses entrailles. Plus tard, cest une troupe de pirates des vrais pirates qui assiègent un bistrot de la capitale et senfuient en provoquant une tempête. La suite est du même flacon : un navire survole Paris continuellement porté par une langue de mer, une chaloupe accoste les étages, les têtes volent et sintervertissent, et les colliers de cordes déclenchent de violentes bourrasques.
La poésie qui traverse toutes ces pages nempêche pas le récit dêtre simplement efficace comme un bon roman de gare. Les péripéties sont nombreuses et les auteurs noublient pas de donner une explication - même fantaisite - à lirrationnel, sous peine de perdre le lecteur. On y parle de voyages et d'horizons lointains tout cela sans quitter les pavés de la capitale. De duels à l'épée et de tours de passe-passe impossibles.
Le héros malgré lui cest Marcel (Schwob) qui rêve dune vie daventurier alors quil nest quun intellectuel, vivant au milieu des ses livres. Lorsque le Capitaine débarque chez lui pour emporter la belle Monelle, Marcel se prend les pieds dans la couverture du lit avant de finir la tête dans ses bouquins. Mais face au danger, cest justement cette érudition qui lui sauvera la vie : une première fois alors quil sapprête à subir le supplice de la planche, une seconde fois lorsquil affronte le Capitaine. Cest alors limagination qui prend le dessus sur la force, le raconteur dhistoires qui aura pour armes les mots, capable de créer et de détruire en une seule phrase. Cest là un joli hommage aux faiseurs de fables ainsi quaux amoureux des livres. Guibert et David B. en font partie, ils parlent ici deux-mêmes et de leur métier, et ils parlent des lecteurs qui voudront bien les suivre dans leur imaginaire mouvementé.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 14/06/2010 ) Imprimer
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