|
|
| Bande dessinée -> Aventure |
| Bastien Vivès Ruppert & Mulot La Grande Odalisque
Dupuis - Aire Libre 2012 / 20.50 € - 134.28 ffr. / 128 pages
ISBN : 9782800155739
FORMAT : 24x31 cm
Imprimer
De quoi s'agit-il ? D'un trio de voleuses de charme, spécialisées dans les uvres d'art. Carole, la première, est professionnelle ; Alex, la deuxième, a un cur dartichaut et peut faire rater une mission pour un chagrin d'amour ; Sam, la dernière, joue la petite nouvelle encore en formation. Ensemble, elles alignent les opérations spectaculaires, avec en vue un coup particulièrement juteux : dérober au Louvre La Grande Odalisque d'Ingres.
On oublie vite à qui on a affaire en lisant cet album. L'alliance Bastien Vivès/Ruppert & Mulot, pour inattendue qu'elle soit, ne se réduit pas à la somme de ses composantes. Le duo iconoclaste, d'une part, et le jeune virtuose, d'autre part, dépassent l'exercice de style d'un récit à six mains, et racontent tout simplement une histoire d'aventure drôle et efficace. On ne distingue pas, d'une planche à l'autre, entre les femmes à la Vivès et les silhouettes à la Ruppert & Mulot : leurs innovations respectives sont mises au service du récit et prennent une allure de modernité réussie. Quant au scénario, il procure une lecture autonome et soufflante, mêlant humour, émotion et aventure.
Il y a un plaisir de mâle à suivre ces drôles de dames dans leurs missions rocambolesques, avec sports de combat ponctués de ping-pong à la plage, et courses-poursuite endiablées pour jeune femme à gros seins. Mais la sensualité est sans lourdeur, et il ne viendrait à l'idée de personne de prendre pour des objets ces trois héroïnes déchaînées, qui décident pour elles-mêmes et pour le reste du monde ce qu'il leur faudra vivre. Carole, Alex et Sam alignent les maximes et les mots d'esprits, nous expliquant quoi retenir de leur cavale et de la vie en général. Quand Sam nous explique que « les histoires de cul des gens, c'est ce qui [l']intéresse le plus dans la vie », on se dit qu'au fond, toute la question est de savoir comment va se conclure ce triangle amoureux, où l'amitié prend souvent un tour plus sentimental. Et puis Alex décide de s'en prendre aux narcotrafiquants mexicains et elles repartent à l'action. Nous passons donc du plus intime au spectaculaire, comme s'il n'y avait pas de différence, comme si c'était la même soif qui donnait envie de tout connaître des autres et de tout bouleverser.
En partant de Cat's Eye, on arrive presque à Thelma et Louise, tant cette folle échappée ressemble à une course vers la mort. Échapper à la routine, à la petite vie lancinante, quitte à parfois se faire rattraper par elle mais très vite se remettre à courir, du moment qu'on est ensemble.
Il s'agit aussi d'art, bien sûr. Et il y a sans doute dans ce trio quelque chose comme un aveu autobiographique. S'approprier une uvre, la revendre, aller contre les règles, c'est aussi le travail de tout artiste et nos trois compères le pratiquent depuis un moment. On a alors envie de surinterpréter le récit, d'aller chercher Vivès derrière le masque de Sam et d'envisager la fin du duo Ruppert & Mulot. C'est forcément vain. Comme dans le tableau d'Ingres, la vraisemblance est ici sacrifiée pour la beauté. C'est le spectacle qui prime. The show must go on. Y compris quand c'est la mort qui termine la course.
Clément Lemoine
( Mis en ligne le 23/10/2012 )
Imprimer | | |
|
|
|
|
|