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Bande dessinée -> Aventure |
| André Juillard Yves Sente Les Aventures de Blake et Mortimer (tome 16) - Les Sarcophages du 6e continent (1/2) Blake et Mortimer 2003 / 12.60 € - 82.53 ffr. / 56 pages ISBN : 2-87-097-066-8 FORMAT : 24 x 31 cm Imprimer
Dabord, il y a la couverture, qui multiplie les références à luvre dEdgar P. Jacobs. Les sarcophages annoncés par le titre ont-ils quelque chose à voir avec « Le Mystère de la Grande Pyramide » ? Le « 6e continent » est-il une solution nouvelle à « LEnigme de lAtlantide » ? Le bâtiment futuriste surchargé délectricité nous renvoie-t-il aux multiples inventions proposées par Edgar P. Jacobs, du « Secret de LEspadon » aux « Trois Formules du Professeur Sato », en passant par lénergie électrique qui animait lherculéen Guinea-Pig de « La Marque jaune » ? Rien de tout cela, en fait : la lecture de lalbum fait assez vite litière de toutes ces hypothèses. Mais la couverture nen est pas moins signifiante : Yves Sente et André Juillard vont bien reprendre lintégralité de lunivers créé par Edgar P. Jacobs, mais au bénéfice dune histoire qui leur sera personnelle.
Redonner vie à Blake et Mortimer en prolongeant la série de leurs aventures : le projet a existé dès la mort dEdgar P. Jacobs en 1987. En 1990, Bob de Moor finissait seul le tome 2 des « Trois Formules du Professeur Sato », laissé inachevé par lauteur. Surtout, en 1992, les éditions Dargaud faisaient lacquisition des Editions Blake et Mortimer, puis du Studio Jacobs et, en 1996, Jean Van Hamme et Ted Benoît y publiaient « LAffaire Francis Blake » bientôt suivie, en 2001, de « LEtrange Rendez-vous ». Yves Sente et André Juillard, quant à eux, y ont publié, en 2000, « La Machination Voronov ».
Le cahier des charges imposé aux auteurs est précis et, pour la quatrième fois, les disciples dEdgar P. Jacobs sy sont conformés avec rigueur. Les éléments de cet « à la manière de
» sont tous présents. Le courage et lindéfectible amitié des deux héros, la présence du colonel Olrik, les éléments fantastiques et futuristes, le suspense : voilà pour le scénario. Le trait dEdgar P. Jacobs, la saturation des planches (onze ou douze cases par planches, elles-mêmes pleines de personnages ou de décors), limportance de la masse textuelle (tant par les dialogues que par les très fréquents encadrés, qui redoublent volontiers laction représentée) : voilà pour limpression laissée par le dessin.
Ici, loriginalité de Sente est davoir situé laction dans le Bruxelles de 1958, cest-à-dire dans le lieu même de la naissance de cette BD belge dont Edgar P. Jacobs fut un des très grands représentants. Mais Bruxelles en 1958, cest aussi lExposition universelle, cest-à-dire une aubaine pour Sente et Juillard. Du point de vue du scénario, en effet, lExposition permet de réunir dans un espace clos et restreint une grande partie des savants du monde entier, alors même que ce monde est celui de la guerre froide (qui avait déjà fourni le cadre de « La Machination Voronov »). Du point de vue du dessin, lExposition offre à Juillard le moyen de représenter les nombreux bâtiments futuristes qui avaient été construits pour loccasion, et qui saccordent parfaitement à lunivers dEdgar P. Jacobs. Cest le cas notamment du célèbre « Atomium » représenté sur la couverture de lalbum.
Au fur et à mesure que paraissent les nouveaux épisodes des aventures de Blake et Mortimer, on sent que les auteurs prennent de plus en plus de liberté avec luvre de Jacobs. Ici, Sente et Juillard nhésitent pas à raconter la première rencontre de Blake et Mortimer au sortir de leurs études secondaires. Clin dil : les deux héros qui ont si souvent lutté pour la préservation de la paix du monde scellent leur amitié en Inde sous le regard bienveillant du Mahatma Gandhi !
Le trait de Juillard, lui-même, tend à sautonomiser, à prendre quelques distances avec le graphisme strict de Jacobs. Cela apparaît nettement dans le récit de la jeunesse de Philip Mortimer quelque chose dans le regard des personnages, dans les contours du visage des deux jeunes héros. De même, la silhouette de la princesse Gita donne à voir des courbes que Jacobs naurait probablement pas osé représenter. Alors, faut-il en conclure au début dune trahison que Ted Benoît ne se serait pas permise ? Certes pas. Tout au contraire, on doit y reconnaître une preuve supplémentaire du talent dAndré Juillard, capable de moderniser le style de Jacobs en lui restant dune grande fidélité. A tous points de vue, ce tome 16 des Aventures de Blake et Mortimer est donc une réussite, dont on attend la suite avec impatience, puisque cest en deux tomes que Sente et Juillard ont prévu la publication des « Sarcophages du 6e continent ». By jove, quel suspense !
Sylvain Venayre ( Mis en ligne le 08/12/2003 ) Imprimer
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