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| Bande dessinée -> Aventure |
| Eric Omond Olivier Martin Sang & Encre, tome 1: Corsaire
Delcourt - Conquistador 2001 / 12.06 € - 78.99 ffr. / 48 pages
ISBN : 2-84055-371-6
FORMAT : 23 X 31
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Voici l'histoire d'un jeune écrivain public, avide de légendes de marins, de batailles et de ripailles, qui se retrouve embarqué de force sur un navire corsaire. A bord du vaisseau du capitaine Sneak, La Plume, ainsi nommé par ses équipiers, commence alors à vivre au rythme de la vie en mer, avec ses tâches ménagères et ses abordages. Lui qui n'a jamais quitté l'Angleterre se fait peu à peu accepter par ses nouveaux compagnons, jusqu'à l'imposant capitaine qui grâce à lui découvre le pouvoir des mots. "C'est donc ça l'écriture, un morceau de vie sur un papier", s'exclame le Capitaine Sneak qui conte alors à La Plume l'extraordinaire épopée de sa vie. Les mots font la mémoire, mémoire des individus, mais aussi des actes et des transactions : ce qui est écrit reste, et il ne s'agit pas seulement de littérature. Grâce à l'érudition du jeune homme, le capitaine déjoue les arnaques du représentant de la Couronne britannique, un peu trop gourmand lors du partage des butins.
Le contrat royal n'est pas respecté ? Qu'à cela ne tienne, la cour de ce Gouverneur véreux de la Jamaïque est massacrée, et les corsaires n'ont plus d'autre choix que d'entrer en piraterie. C'est un changement de statut auquel La Plume se range avec enthousiasme : il faut dire qu'au cours de cet album que l'on peut qualifier d'"apprentissage", il s'est considérablement transformé. Aventurier par procuration, il devient au fil des jours un marin idéaliste qui refuse les bassesses et les facilités du métier, puis ce "gibier de potence" qui par esprit de vengeance sait prendre le sabre et le pistolet. Voici venu pour lui peut-être le temps de vérifier ce bel aphorisme de Penjab l'Indien, philosophe du bateau : "la belle vie, on y prend goût".
Dans ce récit où les habiles mises en abîme donnent un peu le vertige, deux mondes complètement différents vont à la rencontre l'un de l'autre, le monde de La Plume et celui du Capitaine Sneak, le monde de l'imaginaire et celui de la réalité. Et le graphisme est à l'image de cette convergence, suffisamment proche du réalisme pour être crédible et suffisamment éloigné pour laisser parler l'imagination du lecteur. Les couleurs évoquent bien l'atmosphère chaude des mers du Sud, et le physique des personnages est aussi bien dessiné que la complexité de leurs caractères : car si l'on creuse un peu, il y a derrière chacun toute une riche ambiguïté qui interdit de les condamner ou de les encenser totalement. Ainsi, on a cru déceler chez notre jeune héros un humanisme très pur, mais cette histoire est celle de sa conversion à un mode de vie dangereux et cynique : une fois la naïveté de La Plume évacuée, quelle place l'album suivant laissera-t-il à sa moralité ? Quant au Capitaine Sneak, qu'on prend d'abord pour un sanguinaire assoiffé de richesses, il peut aussi se révéler faible, à la merci des sarcasmes et du ridicule.
Dans cette histoire de Corsaire, le sang et l'encre se nourrissent l'un l'autre pour donner au lecteur la sensation si agréable de parcourir un chemin beaucoup plus long que ces quarante-huit pages. C'est un voyage dans le temps qui a le parfum enivrant d'une aventure dont Martin et Omond sont les guides talentueux.
Thomas Bronnec
( Mis en ligne le 05/05/2000 )
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