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Bande dessinée -> Les grands classiques |
| Guido Crepax Histoire d’O Delcourt - Erotix 2010 / 22.50 € - 147.38 ffr. / 264 pages ISBN : 978-2-7560-2064-8 FORMAT : 22,6x29,8 cm
D'après le roman de Pauline Réage Imprimer
Lérotisme est à la mode en bande dessinée, et plus encore raconté par des femmes. Les éditions Delcourt, lancées sur le sujet avec leur collection Erotix, ne pouvaient donc pas passer à côté de la sensuelle adaptation par Guido Crepax dHistoire dO, ce sulfureux récit dune passion féminine.
À la fois roman terriblement érotique, lettre damour (à Jean Paulhan), mystère littéraire et objet de scandale, Histoire dO est un livre mythique à bien des points de vue. À sa parution en 1954 comme lors de sa première adaptation en film en 1975, il souleva lindignation des foules. Certains le qualifiaient de chef duvre, « un des plus beaux livres qui aient été écrits en langue française » selon son éditeur Jean-Jacques Pauvert, méritant le Prix des Deux-Magots quil remporta en 1955 ; dautres lui reprochaient de choquer les bonnes murs et de trahir la cause des femmes en exaltant la domination masculine.
Lintrigue est simple : O, jeune photographe, accepte de devenir lesclave sexuelle de son amant et de ceux à qui il la cède. Les nombreux sévices quils lui font subir, jusquà la marquer au fer rouge, ne la convaincront jamais de renoncer à leur domination, mais lui feront goûter au contraire les plaisirs du sadisme et du masochisme.
Guido Crepax a 21 ans quand sort le brûlot. Il en a 42 et sest fait une spécialité de la bande dessinée érotique quand le livre est adapté en film, et que lui-même ladapte en bande dessinée. Dix ans plus tard, cest une mauvaise suite au cinéma qui lui donne le matériau dun deuxième volume, moins violent et déconnecté du premier. Lensemble nous est présenté ici dans une belle édition, comme sil ne composait quune seule histoire.
Il ne faut pas chercher chez Crepax une narration fluide ou une ligne claire efficace. Ses planches sont faites de multiples regards croisés, de fenêtres éclairées et éclatées qui se correspondent avec désordre. Il apprécie toujours phantasmes et flash-back, quil insère dans ses pages dun changement de cadre discret. Aussi, on se perd parfois dans lhistoire, mélangeant les époques et les personnages.
Mais lintérêt de son uvre nest pas dans lintrigue. Elle tient à ce modèle brouillé, qui marche sur les frontières de la bande dessinée, entre narration et juxtaposition. Lil est souvent au milieu de la page, thème central dune galerie dimages qui se dévoilent. Tout autour, des mains, des membres, des détails, une mosaïque. Il faut déchiffrer Crepax, le décomposer, le déshabiller presque.
Les textes sont dépouillés au maximum, le narrateur disparaît. Certes lambiguïté sy perd, une des richesses du roman signé Pauline Réage. On retrouve bien pourtant, à peine moins net, le mélange de désir et de terreur ressenti par O dans ses supplices, et surtout, derrière la thématique sado-masochiste, la force de la passion dO pour ses amants : cette quête dabsolu qui justifie tous les supplices. Mais devant les pages de Crepax, ce sont toujours les corps qui dominent. Les actes éternellement recommencés et diversifiés, les viols, les coups de fouets, les chaînes, les coups encore.
Certaines scènes sont superbes de désir mis en page. Il fait de ce plaisir sulfureux un spectacle permanent, que le lecteur peut suivre dans un voyage de planche en planche. Tout le choc dHistoire dO nous éclate, toute sa brutalité, toute sa violence. Et nous marque.
Clément Lemoine ( Mis en ligne le 15/11/2010 ) Imprimer | | |
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